« Un cinéma, ça doit être avant tout un lieu de cinéma » nous rappelle Victor Courgeon, médiateur culturel au cinéma Jean Eustache.
Feather a eu la chance de pouvoir échanger avec lui, et comprendre ce que le cinéma de Pessac a de particulier : un cinéma d’art et d’essai à la programmation éclectique mais complète, un cinéma qui regroupe des évènements de qualité et avant tout un cinéma qui œuvre pour ses spectateurs.
La rencontre…
Assise à une table du café du Jean Eustache, j’observe tout le monde se préparer à accueillir les premiers spectateurs. On écrit le nom des films sur les tableaux à la craie devant les salles de projection, on prépare le comptoir… et moi je découvre cet univers à travers les paroles de Victor.
Après un master culturel à Science Po, ce jeune étudiant se lance dans deux années à la Fémis à Paris, afin d’étudier pendant deux ans la distribution et l’exploitation dans le cinéma. Après plusieurs stages au FIFIB ou au cinéma Jean Eustache, il est appelé lors de l’été 2018 pour occuper le poste de médiateur culturel pour les 15-25 ans, à seulement 23 ans.
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un médiateur culturel ?
C’est une personne qui va développer et dynamiser un public. Selon Victor, son travail au cinéma Jean Eustache de Pessac n’est pas de « remplacer les lieux de cinéma de Bordeaux, mais de faire un lieu attractif, où lycéens, étudiants et jeunes actifs ont envie de se retrouver ». C’est créer une programmation et des évènements où le public se mélange : « par exemple lundi 28 janvier, on a accueilli François Ozon, Melvil Poupaud et Swann Arlaud pour l’avant-première de Grâce à Dieu et la veille on avait projeté Dragons III (dessin animé pour enfants) : là est la preuve qu’on veut tirer le meilleur de chaque prisme de film pour tous les publics » ajoute Victor.
Enfin, lorsqu’on questionne Victor à propos du « nouveau cinéma » sur internet, il répond simplement : « Pour moi, on n’a jamais autant regardé de films. Il y a un temps pour tout. On peut très bien décider de rester dans son lit un dimanche soir pour regarder un film et sortir le mercredi pour la sortie de la semaine. »
En clair, ce jeune homme sait ce qu’il veut : créer une offre dynamique d’évènements intéressants et intéressés, qui suscitent l’intérêt des jeunes pour le cinéma.
Le lieu…
Sur l’agglomération, le cinéma Jean Eustache est le deuxième plus gros cinéma d’Art et d’Essai après l’Utopia. En terme de programmation, il n’attire pas moins de 300 à 400 films par an. C’est un cinéma qui parle à tout le monde, ayant un éventail assez large de propositions cinématographiques.
C’est un lieu qui par son accueil, nous donne envie de revenir, comme si l’on retournait « à la maison ». Avec un rooftop peu connu du public, ce cinéma est le lieu idéal pour l’animation. Victor nous mentionne par exemple que pour le Festival du film d’histoire, ils avaient fait venir l’Iboat en DJ set.
On est loin de l’image vieillissante qu’un cinéma peut acquérir après des années d’activité… Justement, on assiste à un renouveau, une dynamique qui ne peut que conquérir les jeunes spectateurs.
C’est un cinéma qui laisse une place majeure à l’animation. Comme le rappelle Victor, lorsqu’on va au cinéma, on va dans un « lieu » de cinéma, on attend une ambiance, quelque chose de particulier. Début 2019, le cinéma Jean Eustache a lancé les « Victor Picture Show », des soirées à thèmes, deux mercredis par mois, pour célébrer la sortie d’un film. La soirée sera rythmée par la projection et dj sets, quizz, ou goodies seront les « bonus de la sortie » : tout est fait pour que ces mercredis-là deviennent un rendez-vous incontournable du mois. Le but est simple : « s’emparer des films que l’on aime pour faire de chaque projection un évènement, et redonner cette image communautaire » selon Victor.
Entre les ciné-débat, les picture show, les Caméo-Club (projections animées par des lycéens) ou les soirées UNIPOP, le cinéma propose une réelle animation, qui fédère des rencontres, des débats, des moments de partage qui sont finalement un mot d’ordre pour le cinéma. Il s’agit là de montrer « pourquoi le cinéma Jean Eustache n’est pas un cinéma comme les autres » selon Victor.
De plus, il m’est impossible de ne pas mentionner UNIPOP, un programme de cours consacrés à l’art, à l’histoire, au cinéma et à la littérature, à l’initiative du cinéma Jean Eustache. Cela est pour les bordelais, ou jeunes étudiants du campus, une occasion de découvrir un programme culturel complet, dans un lieu atypique (pour les moins de 25 ans, les 5 cours sont à 5 euros).
Le cinéma avec un grand « c » …
Dialoguer avec Victor Courgeon, c’est aussi comprendre que le cinéma est une expérience, qu’on a besoin aussi de sortir, marcher, réfléchir après avoir vu un film. Qu’un film doit se voir comme un évènement où tous les arts peuvent être réunis. Qu’un cinéma où l’on se sent accueilli est un cinéma dans lequel on a envie de retourner.
Le Jean Eustache réunit notamment autour de deux évènements phares que sont le Festival du film d’Histoire (pas moins de 35 000 spectateurs pour la dernière édition) et les Toiles filantes, festival de cinéma Jeune Public, animant du 25 février au 3 mars, des animations et projections destinées aux enfants.
Entre les projections et les évènements programmés… C'est réellement un LIEU de cinéma qui attend d’être emparé par ses spectateurs.
Et pour ceux qui diraient que le « cinéma Jean Eustache, c’est trop loin », plongez vous dans vos lignes de bus et vous verrez que tout est a côté. Pour les étudiants du campus, rien n’est plus facile que de faire 3 arrêts de tram pour se retrouver dans un siège bien moelleux et digérer sa sortie de cours… pour seulement 5,50 euros !
En somme, le cinéma Jean Eustache, c’est presque un cinéma « d’animation » : presqu’une « soirée évènement » est programmée tous les soirs, on pourrait presque y dormir, on aurait toujours quelque chose à faire…
Après tout, le cinéma ouvre à la discussion, aux échanges, aux risques du désaccord. Donc dès à présent, venez tester l’expérience au cinéma Jean Eustache : l’aimer un peu ou beaucoup, mais s’y risquer.
Infos pratiques :
Eva Pons I 15/02/2019
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