Rencontre avec Nikita, directrice de l'association écologique "Les Petits Hommes Verts" et de Guillaume, son représentant bordelais. Les deux compères nous parlent des buts de l'association et de leur voyage en Amérique du Sud lors de l'été 2017, à la rencontre des acteurs internationaux d'une cause commune, l'écologie.
Feather : Une petite présentation ?
Nikita : Très formellement, je m’appelle Nikita Smith, j'ai 23 ans. J'ai une licence de géographie à Lyon, un master gestion de projets environnementaux à Montpellier. C’est après ce master que j’ai décidé de prendre une année de césure. Aujourd’hui je suis en master "Biodiversité Territoire et Environnement" à Paris.
Guillaume : Bonjour Feather ! Je m'appelle Guillaume, j'ai 29 ans et je vie actuellement sur Bordeaux. J'ai fait des études d'arts appliqués dans cette même ville et j'ai depuis exercé différents métiers en essayant de les combiner avec le voyage. Mon goût pour l'aventure m'a amené récemment en Amérique latine avec l'association Les Petits Hommes Verts.
Qui à crée l’asso ?
Nikita : C’est moi qui ai créé l’association. Au début je voulais juste monter mon projet sur un an, puis j’ai pensé qu’avoir une association m’apporterait de la légitimité auprès des différentes structures et je me suis rendue compte qu’au delà d’un projet, je voulais créer quelque chose de pérenne.
Quel était ce projet ?
Nikita : En fait après 4 ans d’études, j’en avais assez d’avoir des beaux discours, des principes, d’étudier tout ce qui n’allait pas et puis ne rien faire à coté. C’est seulement à Montpellier en master, que j’ai commencé à m’investir dans des associations, à changer mon mode d’alimentation, à vivre au plus proche de mes principes. Ca c’était le premier pas. Après un stage dans la protection des océans, je me suis dit qu’il était temps de me confronter à la réalité. J’avais envie de voir si mes principes tenaient la route. J’étais en colère parce que personne ne faisait rien et puis je me suis dit qu’au lieu d’être en colère contre la Terre entière, j’allais faire ce que j’attendais des autres. On le répète très souvent mais vraiment, la citation de Gandhi “ Sois le changement que tu veux voir dans le monde” prend tout son sens dans la création de ce projet. La logique c’est qu’on ne détruit pas ce qui nous fait vivre ! Donc pendant 4 mois, je me suis installée dans 4 villes de France. J’ai mis en place 3 projets environnementaux par ville et j’ai également fais des interviews de personnes qui s’investissent dans l’environnement ou qui décident de vivre autrement. Le but c’était vraiment de montrer toutes les manières de pouvoir s’investir dans sa ville et montrer que ça pouvait être fun. Les quatre mois suivants se déroulaient en Amérique latine pour faire des interviews sur la place de l’environnement en milieu urbain.
Comment décrire l’association ?
Nikita : Cette association pour moi vise à être très concrète. Elle a trois objectifs : replacer l’environnement au coeur de nos sociétés, prendre conscience que nous sommes des acteurs et non de simples consommateurs, et mettre en avant les bénéfices de la prise en compte de l’environnement. C’est une association positive, on communique toujours de façon légère avec une touche d’humour (selon les goûts) mais c’est important aussi de choquer ou du moins de ne pas cacher la réalité des problèmes. Les Petits Hommes Verts, c’est montrer que l’environnement n’est pas seulement des réglementations et des contraintes, c’est casser le côté “chiant” souvent mis en avant de l’environnement. Donc concrètement, l’association sensibilise sur l’intérêt de protéger son environnement, tente jour après jour à coup de gifs et de vidéos de faire prendre conscience de notre rôle à jouer, des conséquences de la dégradation de l’environnement. C’est aussi de l’aide et de la mise en place de projets environnementaux en ville.
Quelles sont les asso que tu suis et dont tu aimes la vision ou le travail effectué et pourquoi ?
Nikita : Une association vraiment coup de coeur c’est I-Boycott. J’ai participé à leur campagne de crowdfunding et je trouvais déjà que c’était un concept vraiment simple mais qui allait changer beaucoup de chose. Coluche en parlait, dans la Belle Verte aussi, le boycott c’est un moyen pacifique et efficace de faire changer les choses. Leur slogan “ chaque fois que vous dépensez de l’argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez”. J’aime également le travail de Mr.Mondialisation qui publie beaucoup d’articles sur Facebook. Ferme d’avenir est une association sur l’agriculture, elle est très positive et surtout vraiment drôle. Enfin je suis GreenPeace pour son travail auprès des institutions et Zéro Waste.
Pourquoi partir en Amérique du Sud, quel était le but du voyage ?
Nikita : L’Amérique latine du coup c’était la deuxième partie du projet. J’avais vraiment envie de voir ce qui se passait de l’autre coté de la planète. Dans mes discours et dans ma vision je ne voulais pas être européocentrée, j’avais envie de voir ce qui se passait dans des pays qui n’avait pas les mêmes priorités. Je voulais voir comment on adaptait des mesures écologiques en fonction de la culture, des différents contextes.
J’ai choisi l’Uruguay pour son engagement dans l’environnement car 95% de son énergie est renouvelable. C’est aussi par curiosité, car l’ancien président Pepe Mujica, un homme atypique, m’a donné pour la première fois, une vision positive de la politique. Le Paraguay est aussi reconnu mais pour des raisons plus sombres. C’est le deuxième pays le plus
pauvre d’Amérique latine et possède un des taux de déforestation les plus élevés du monde.
Qu’est ce qui vous a le plus étonné ?
Nikita : On me disait "mais pourquoi tu vas parler d’environnement dans des pays où ils pensent juste à se développer ?" Au final, l’environnement peut et devrait être un moyen pour lutter contre la pauvreté. En Argentine, ils ont développé un programme d’agriculture urbaine qui a été reconnu par l’ONU comme un des onze meilleurs moyens de lutter contre la pauvreté. Il ne faut plus voir l’environnement comme juste de la protection. Il faut intégrer la culture, le social dans l’environnement et inversement.
On a rencontré des personnes au Paraguay, même dans le second pays le plus pauvre d’Amérique latine, qui nous parlent de zéro déchet, ce qui est surprenant vu la situation du pays au niveau des déchets.
Au final en Europe, les discours pour l’écologie doivent être portés vers les citoyens, c’est à nous de faire changer les choses. Et dans les pays que nous avons visité, c’est surtout aux gouvernements de faire quelque chose : interdire les sacs plastiques, mettre en place un système de gestion de déchets plus efficace. Mais c’est aussi aux citoyens de faire pression, et de montrer qu’ils ont envie de ça. Je pense à la déforestation que l’on peut vraiment voir à cause de l’exploitation du soja destiné à nourrir le bétail. Dans le Chaco et en Uruguay, c’est vraiment choquant et pourtant on consomme toujours
autant de viande. Beaucoup nous parlent de la déforestation, de l’expulsion de paysans tout ça à cause du bétail ou du soja pour le bétail, mais peu font le lien entre leur assiette et la réalité.
Comment fonctionne écologiquement une communauté en auto-suffisance là bas ? Quelles sont les principales problématiques écologiques des pays visités, et les différences avec la France ?
Nikita : Déjà on a plusieurs définitions d’auto-suffisance. Les communautés où nous sommes restés ne sont pas auto-suffisantes d’un point de vue alimentaire. Sinon pour l’électricité, chaque maison possède une petite éolienne ou des panneaux solaires, un récupérateur d’eau de pluie. Par contre la gestion des déchets pourrait être améliorée, il n’y pas vraiment de tri à part pour le compost. Les pays que nous avons visité sont en plein développement économique. L’environnement ne fait pas partie des priorités des différents gouvernements. Ce qu’il manque c’est une pression soit d’instances internationales comme L’ONU, soit de la société civile. On a rencontré beaucoup de personnes conscientes du travail à faire dans l’environnement mais qui ne savaient pas comment commencer. Il faut une impulsion politique pour améliorer drastiquement les
problèmes de gestions de déchets. Au Paraguay c’était le plus flagrant; des déchets partout en ville, des mini-décharges à ciel ouvert dans les villages... Les personnes viennent vider leurs poubelles n’importe où !
L’autre problématique est liée à l’agriculture. Il s’agit de la déforestation en Argentine et au Paraguay et le problème de qualité d’eau en Uruguay principalement. Là encore, il faut une impulsion étatique pour aider les agriculteurs à changer de mode de consommation. Le Paraguay est un des premiers producteurs de soja. L’État met en place des subventions pour les agriculteurs qui cultivent du soja. Concrètement, les agriculteurs produisent donc du soja en priorité, entrainant de la déforestation, une pollution des eaux à cause des pesticides et une destruction du sol à cause de la monoculture !
Quelles sont vos meilleures anecdotes de vie la bas ?
Nikita : Ce qui était vraiment agréable c’est que tout le monde cherchait à nous donner un coup de main. Les voyageurs qu’on a rencontré trouvaient ça courageux de partir avec un projet et j’espère que ça a donné des idées pour qu’ils se lancent aussi. C’est une autre façon de voyager, nous permettant de rencontrer plein de gens complètement par hasard. La plupart des interviewés sont des gens rencontrés pendant le voyage par hasard, ou dont on nous a donné le nom dans une autre ville, un autre pays. Par exemple, on est resté trois jours à Aregua (un petit village au Paraguay) avec une fille qu’on avait
rencontré sur un marché. Après l’anecdote un peu classe c’est quand on a survolé le Chaco en coucou. Au début on voulait faire de l’avion stop, puis on a bien dû se décider à trouver quelqu’un et c’était comme un jeu de piste pour trouver un avion et un pilote accessoirement. Ensuite c’était moins drôle quand on a pu voir l’ampleur de la déforestation...
Guillaume : L'une de nos premières anecdotes, c'était lors de notre premier départ de Buenos Aires, on était arrivé deux semaines avant et on a décidé de poursuivre notre route jusqu'à Rosario. En partant très tôt dans la matinée, on pensait y être largement dans l'après midi, Rosario n'est qu'à trois heures de route. Sauf qu'il nous a fallu bien la matinée pour sortir de la ville avec plusieurs moyens de transport en commun (métro/bus/train) et une fois à la sortie, en pleine autoroute, impossible de trouver notre
chemin. On voulait essayer pour la première fois le stop mais on était vraiment pas au bon endroit pour le faire. On a demandé notre chemin et l'endroit le plus approprié pour faire du stop, si c'était toléré, sauf que l'on parlait vraiment peu la langue et ça a été une après midi d'allés et retours sans trop avancer. À ce moment là du voyage, la maîtrise de la langue allait être primordiale. On ne se connaissait que très peu avec Nikita avant le départ, on a vu que malgré toutes les galères qu'on a eu cette journée, on restait positif, la suite du voyage allait forcément bien se passer. Pour terminer on a du se résigner à faire du stop ce jour là et prendre un bus, on a finalement passé la journée entière sur la route en sac à dos, arrivés sur Rosario vers 23h.
De quelle façon ce voyage va vous être utile dans la vie de tous les jours en France ?
Nikita : Ce voyage j’y pense tous les jours. Ça m’a permis de vraiment me sentir à ma place, je crois que je me suis rarement sentie aussi confiante. J’ai donc ramené ma petite confiance, ma sociabilité et c’est peut être gnangnan mais j’ai surtout ramené une joie de vivre. D’un point de vue professionnel j’ai ramené beaucoup de travail ! J'ai pu me rendre compte que j’avais vraiment envie de continuer dans la vidéo. Et puis évidement c’est une sacré expérience : chercher des associations, chercher des contacts, filmer,
écouter et rendre compte des différents points de vues... Avoir eu une expérience à l’étranger me donne, j’ai l’impression, un peu plus de légitimité. Mais je me suis aussi rendue compte que j’avais envie de voyager en France, parce que finalement je ne la connais pas très bien.
Guillaume : En partant, je n'étais que peu sensibilisé à l'environnement, toutes les interviews avec l'association, ainsi que tous les échanges qu'on a pu avoir m'ont réellement fait prendre conscience qu'à mon échelle, je pouvais adopter des gestes au quotidien beaucoup plus sains et responsables. Ce voyage m'aura aidé à me dépasser, à être plus sociable et j'en suis revenu plus confiant. J'ai pu faire la connaissance de personnes formidables, des relations d'entraide et de partage, des valeurs que je
continue à transmettre.
Y a t-il des actions prévues en France de votre part ? Quels sont les projets de l’asso, et les vôtres personnellement ?
Nikita : Comme je le disais le but de l’association c’est d’encourager et d’accompagner les personnes à monter des projets environnementaux, et nous même de continuer à en mettre en place. Mais cette année je suis encore en étude et c’est difficile de combiner les deux. Cette année j’ai décidé de faire une vidéo par mois sur un thème donné par les abonnés. Ce sont des vidéos humoristiques de 2 minutes. Ce mois-ci c’est sur les premiers pas en 0 déchet. Je commence également à recruter pour avoir des membres qui m’aident pour la communication, le montage ou simplement des idées.
Ensuite je suis en train de réfléchir à un nouveau projet pour l’année prochaine mais c’est encore secret. Et puis le rêve ça serait d’avoir une équipe similaire au studio Bagel, sur l’environnement.
Guillaume : Au retour en France, j'avais besoin de me poser quelques temps après avoir vécu cette expérience. Je me suis informé sur des missions éco volontaires, des woofings et je pars prochainement à Uzeste proche de Bordeaux. Ils ont un projet depuis 2016 de chantier participatif en construction écologique, ainsi que des jardins en agroecologie. J'ai également un autre très grand projet qui me tient à coeur en éco volontariat sur la protection animale, mais rien n'est encore défini pour en
parler vraiment aujourd'hui.
Le mot de la fin est à vous !
Nikita : Au delà du message écologique et de la sensibilisation, faire ce projet m’as permis de comprendre l’importance de réaliser ses propres projets. Aujourd’hui un des fléaux majeurs c’est le manque de confiance en soi et la peur. Tous les jours la pub, les médias, les politiques, nous répètent que nous sommes là pour consommer, qu’on ne sait pas faire autre chose, que nous sommes méchants et inhumains, que les gens connus sont mieux que vous, qu’il faut qu’on “se vide la tête”, qu’on est trop bêtes pour comprendre le système économique. Tout cela participe à l’inaction, à la soumission, au fatalisme, au “qu’est ce que je peux y faire de toute façon, ça va rien changer”. Et bien si, c’est toi qui va
changer et toi tu n’es pas rien. Je répète souvent que le monde de demain existe déjà, il lui manque seulement des habitants.
Sylvain Gourdon
© Nikita Smith
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