Vous le saviez, vous, que le pain aime se reposer sur Jay-Jay Johanson ? Nous non plus. Enfin, ce n'est pas quelque chose de scientifique. C’est plutôt que c’est de cette manière que nous avons découvert Marge Music, l’agence de Margaux Rapin, en story sur les réseaux sociaux de Baston, la boulangerie de la rue du Hâ. L’agence propose de créer, pour votre lieu, une identité sonore et des playlists personnalisées pour immerger les clients dans votre univers.
On vous amène rencontrer Margaux, que l’on a écouté autour d’un café allongé, dans un petit café de la rue de Guienne.
Qui se cache derrière Marge Music ?
Je m’appelle Margaux et j’ai… 26 ans - j’ai réfléchi carrément (rires). J’ai créé Marge Music Agency, une agence qui crée des identités musicales pour différents types de lieux (restauration, hôtellerie, retail, branding…).
Pourquoi “Marge Music Agency” ?
J’ai beaucoup voyagé et les étrangers n’arrivaient pas à dire Margaux du coup ils m’appelaient Marge. Ça faisait rire mes potes français qui m’ont aussi appelé Marge et c’est devenu un truc. Quand je cherchais un nom pour cette agence, je me suis dit “Marge Music Agency ça sonne bien”. Souvent les gens pensent à Marge Simpson du coup c’est drôle ! Alors qu’en fait c’est juste que mes potes n'arrivaient pas à dire mon prénom. Et Agency parce que j’ai l’ambition de devenir une agence.
Après le deuxième confinement, les restaurants ont dû réfléchir à de nouvelles stratégies pour accueillir des clients. Mon entourage sait que j’écoute pas mal de sons, et des connaissances m’ont demandé de faire une playlist pour leur réouverture, donc je me suis dit “grave !”. J’en ai fait une, deux… Et là, je me suis dit que je pourrais peut-être vendre ça !
Comment est-ce que tu en es arrivée à Marge Music ?
Après mon école de commerce, j’ai monté une première boîte, à Paris, qui était une application de playlists collaboratives. En soirée, tu pouvais créer ta “room” avec un code et chacun pouvait la rejoindre, ajouter des sons, voter pour son morceau préféré… Ça créait la playlist de la soirée qui pouvait évoluer au cours de la soirée selon les votes… C’était un projet assez gros, on était dans un incubateur, on avait des stagiaires, une assez grosse équipe, des subventions… À l'époque, pour nous rémunérer, on était sur l’événementiel donc on a dû arrêter le projet au moment du confinement.
En parallèle, je me suis rendue compte que c’était cool parce que je bossais dans la musique mais en même temps que je passais mon temps à faire des recherches de fonds,... C’était pas très créatif. Ça aurait pu être une application de vente de coussins, ç’aurait été pareil *rires*. Ça ne me plaisait plus trop parce que je voulais vraiment me rapprocher de la musique et de la création. Donc j’ai décidé d’arrêter le projet, le confinement a été un prétexte pour me permettre de mettre en place autre chose. Mais je ne savais pas trop quoi faire pour la suite. Après le deuxième confinement, les restaurants ont dû réfléchir à de nouvelles stratégies pour accueillir des clients. Mon entourage sait que j’écoute pas mal de sons, et des connaissances m’ont demandé de faire une playlist pour leur réouverture, donc je me suis dit “grave !”. J’en ai fait une, deux… Et là, je me suis dit que je pourrais peut-être vendre ça !
Comment as-tu découvert le métier de curateur musical ?
Pendant ce confinement, j’ai recherché sur internet si ce métier existait et ouais, c’est des curateurs musicaux. Aux Etats-Unis, il y a des agences spécialisées là-dedans. Donc j’ai découvert ça à ce moment-là mais c’est bête parce que tu te dis pas que c’est un vrai métier. Ensuite, j’ai commencé à faire un questionnaire à destination des restaurateurs en leur demandant quelles sont leurs problématiques aujourd’hui, est-ce que la musique a une place importante dans leur lieu ? Est-ce que ça les intéresserait de bénéficier d’un service de création de playlist et si oui, quels seraient les genres musicaux qu’ils préféreraient faire passer dans leurs resto ? Pour me permettre de cerner leurs besoins. De là, j’ai développé une offre, mon site… J’ai eu quelques clients grâce à ce questionnaire parce qu’il a pas mal tourné et voilà !
Actuellement, tu travailles à Baston en complément c’est ça ?
Oui, parce qu’à un moment donné, je n'ai pas eu beaucoup de contrats alors que ça marchait pas mal avant. J’aime bien travailler seule en freelance mais en même temps j’avais besoin de créer du lien, on m’a parlé de Baston, du fait qu’ils recrutaient. Ça me permet d’avoir un petit salaire fixe et de rencontrer plein de monde, c’est trop cool !
Outre le questionnaire, c’est quoi ta démarche de rencontre de clients ? Est-ce que tu te déplaces pour t’imprégner des lieux…?
Avant, j’étais à Paris. Mais pendant la période Covid, je suis revenue dans la région, chez mes parents à St Emilion et c’est là que tout a commencé. Je ne pouvais pas trop me déplacer, en plus les bars et restos étaient fermés donc on faisait ça à distance pour la réouverture. Mais là, je me suis réinstallée à Bordeaux dans le but de me développer ici, de pouvoir rencontrer et suivre mes clients de manière plus régulière. Même si ça n’empêche pas que certains clients soient éloignés, comme un qui est à Menton, dans le sud de la France, je n’y suis jamais allée mais apparemment les playlists matchent super bien, les clients font des retours hyper positifs…
Je m’adapte beaucoup au client. Je ne peux pas imposer un son au client. L’important c’est que les personnes qui bossent dans le resto aiment ce qu’elles écoutent parce que c’est leur resto, c’est eux qui ont créé l’ambiance initiale donc ils savent mieux que moi ce qui est en accord avec leur lieu.
Est-ce que t’arrives à mêler tes propres goûts musicaux à ceux de tes clients ? Est-ce que ta vision du lieu influence le choix musical ?
Je m’adapte beaucoup au client. Je ne peux pas imposer un son au client. L’important c’est que les personnes qui bossent dans le resto aiment ce qu’elles écoutent parce que c’est leur resto, c’est eux qui ont créé l’ambiance initiale donc ils savent mieux que moi ce qui est en accord avec leur lieu.
J’ai créé une playlist de 20h pour un client qui tient un restaurant gastronomique. Il souhaitait avoir une playlist blues/rock alors qu’on aurait pu imaginer des morceaux un peu plus jazzy,... Il voulait quelque chose qui dépote un peu donc c’était intéressant de travailler sur ça. En plus, le but de cette playlist c’est de ne pas la mettre en aléatoire mais vraiment de suivre le sens de lecture car les morceaux sont fait dans la continuité avec le déjeuner, l’apéro, le dîner, la soirée… C’était long à faire mais c’était vraiment cool !
C’est trop cool de pouvoir se dire que les clients remarquent l’effort sur la proposition musicale d’un lieu !
Oui, on se rend pas compte mais quand la playlist est travaillée, les clients le notifient. A Baston, quand on met la playlist que j’ai créé, les gens disent “ah la musique était cool ce soir”... J’ai mis ce que les gérants écoutent, je sais ce qu’ils aiment, ce qu’ils veulent donner comme ambiance dans leur resto donc ça se ressent et les clients le remarquent. Si tu mets une radio ou une playlist Spotify, ça ne concorde pas forcément avec le lieu et ça se ressent aussi.
Comment tu crées tes playlists ? T’as une culture musicale importante ?
Ouais, mes parents sont beaucoup dans la musique. Mon père était musicien et ma mère écoutait beaucoup de musique et nous a partagé ça quand on était petit. Même quand on se voit maintenant, on se partage des nouveautés… Mon entourage écoute pas mal de musique donc oui j’ai une culture assez large mais j’ai surtout beaucoup de playlists ! J’ai peut-être 150-200 playlists sur Spotify et du coup quand on me demande une ambiance, je vais piocher dans ces playlists-là donc ce sont forcément des sons qui me plaisent à moi mais bon après, c’est aussi une patte. Tous les curateurs musicaux ne vont pas avoir les mêmes goûts. Je fais ce que j’aime mais dans l’ambiance qu’on me demande.
Après, je découvre des sons tout le temps, je ne vais pas piocher que dans mes playlists, je vais aussi me dire “ok, qu’est-ce que Spotify me propose ?” je vais les écouter, voir si ça match, “tiens là j’ai découvert cet artiste qui est cool, est-ce qu’il a un morceau qui pourrait aller dans cette playlist”…
Je fais ce que j'aime mais dans l'ambiance qu'on me demande.
T’as pris des cours de musique ? Tu connais la théorie ?
Pas du tout. J’essaye de me mettre à la basse en ce moment. Mon père était prof de musique mais anti-solfège, donc ça me va très bien *rires*. Je n'ai pas du tout fait de musique mais pour moi, le plaisir c’est d’écouter plutôt que de jouer.
Non, parce que je trouve que la musique c’est un feeling plus qu’une science. Je ne me sens pas illégitime de ne pas connaître le solfège ou les accords. Bien-sûr que ça m’intéresse, je ne suis pas inculte là-dessus mais c’est pas quelque chose que je connais par coeur, je ne pourrais pas t’en parler pendant des heures.
Ça ne joue pas sur ta légitimité ?
Non, parce que je trouve que la musique c’est un feeling plus qu’une science. Je ne me sens pas illégitime de ne pas connaître le solfège ou les accords. Bien-sûr que ça m’intéresse, je ne suis pas inculte là-dessus mais c’est pas quelque chose que je connais par coeur, je ne pourrais pas t’en parler pendant des heures. Mais je trouve qu’à partir du moment où tu commences une ambiance de playlist, les clients d’un resto ne vont pas forcément connaître le solfège non plus, ils vont plus ressentir le feeling d’une musique.
J’ai jamais vraiment eu de mal à convaincre un resto parce que l’atout avec moi c’est de gagner du temps. Quelqu’un qui fait des playlists, qui prend le temps de faire quelque chose sur mesure… Il n’y en a pas beaucoup. J’ai pas trop besoin de me justifier là-dessus. Après, c’est l’expérience qui fait que je peux asseoir mon expertise - si j’ai travaillé pour un resto avec telle ambiance, je saurai en parler, prendre du recul et me dire quels morceaux n’ont pas marché…
Après, il y a aussi des types de musique qui poussent à la consommation ou qui encouragent à rester plus longtemps… Je travaille là-dessus alors que les restaurants ne réfléchissent pas forcément comme ça. Après, l’impact est “minime” parce que c’est pas parce que tu mets du jazz que personne ne va consommer. Par contre, il y a des études qui montrent que si t’as pas de musique, ton chiffre d’affaires va baisser de 28%. Un resto qui n’a pas de musique, c’est trop chiant, une boutique sans ambiance sonore, tu vas y rester moins longtemps… Alors que si t’as une ambiance musicale, cela peut augmenter ton chiffre de 7%.
Ton métier fonctionne vraiment comme un pan de la communication à part entière, comme la communication visuelle en fait, si ce que tu vois te plaît, si ce que t’entends te plaît, tu restes et tu consommes.
Moi, je me compare à un graphiste. C’est les mêmes contraintes, au niveau du démarchage, au niveau des prix… Je te parlais de playlists mais je bosse aussi avec des marques pour qui je vais faire du marketing musical : utiliser la musique comme levier de communication. C’est ce que je fais avec Monin, pour qui je fais des playlists pour leur studio de création de cocktails mais aussi pour leurs réseaux sociaux, des playlists qui peuvent partager pour leur communauté ou à leurs clients et là on va faire une playlist d’hiver où ils vont faire venir leurs barmans pour créer des recettes en fonction d’un titre de la playlist. Ils utilisent vraiment la musique parce que c’est universel, tu partages donc les gens vont aller écouter, ça permet de découvrir des artistes via la marque…
Du coup, c’est la même démarche qu’un graphiste, il faut réfléchir aux valeurs de la marque, quels artistes les incarnent, quel genre musical on va pousser, quelle collaboration peuvent être faites...
A terme, j’aimerais bien être référente musicale pour une marque. Ça pourrait consister à vouloir faire consommer un nouveau produit par la musique, avec un artiste qui va toucher la cible…
Sur ton site, il y a écrit que tu proposes deux types de prestations, l’identité sonore et l’événementiel. Où est-ce que t’en es sur cette deuxième offre ?
J’ai pas fait beaucoup d’événementiel. Je suis DJ mais je ne fais pas DJ on va dire, je fais juste des playlists. Je suis un DJ moins cher puisque je propose une playlist sur-mesure pour le client et pour la soirée. Pour le moment, j’ai fait l’ouverture d’un bureau. Mais ce n'est pas ce que je veux pousser parce que je ne peux pas remplacer un DJ. Ça reste une alternative qui peut être cool parce que si on ne sait pas quoi mettre comme son, on fait appel à moi et ça peut être sympa.
Il y a beaucoup de curateurs musicaux en France ?
En France, il y en a peu. Quasiment tous ceux que je démarche n’ont pas vraiment entendu parler de ce métier, souvent leur réaction c’est “ah mais trop bien comme métier, je ne savais pas que ça existait”. Il y a 3-4 grosses agences à Paris mais c’est pas trop mon champ d’action.
Je regarde plus les agences américaines mais je ne suis pas très “stratégie”. Je me base beaucoup sur le bouche à oreille et c’est cool parce que je n'ai pas eu besoin de démarcher pour le moment.
J’aimerais beaucoup développer le côté marque, c’est plus créatif, plus poussé, c’est plus varié. Il y a forcément plus de budget donc plus de choses à faire et plus de liberté.
C’est quoi le but que t’aimerais atteindre, le client rêvé ?
J’aimerais beaucoup développer le côté marque, c’est plus créatif, plus poussé, c’est plus varié. Il y a forcément plus de budget donc plus de choses à faire et plus de liberté. J’aimerais bien avoir des chaînes de restaurants, de bars, café… Pour que l’identité musicale soit travaillée à fond sur les réseaux sociaux. Après, la situation trop cool serait que j’ai trop de clients et que je doive trouver quelqu’un pour m’aider et faire grossir l’agence avec une petite équipe avec laquelle travailler. Tu peux choisir avec qui travailler… Partager différentes visions, différentes inspirations…
C’est quoi ton morceau du moment ? Ton artiste préféré ?
Mes styles préférés sont la soul et le hip-hop. Mes artistes préf du moment, c’est Nathy Peluso,... Dans les albums que j’ai saigné dernièrement il y a Pink Martini, Little Simz,... En ce moment, j’écoute Jessie Ware, j’adore, c’est trop cool.
Du coup, là t’attends le Spotify Wrapped 2021 ?
Oui carrément (rires). C’est le meilleur moment de l’année. J’ai tout le temps Mariah Carey qui revient, c’est mon guilty pleasure. Je cale souvent la reprise de Last Night A DJ Saved My Life avec Busta Rhymes, elle est trop cool ! Ça me fait marrer de me dire qu’il y a du Mariah Carey qui passe dans des restos.
Merci à Margaux pour son temps et de nous avoir partagé son métier ! N’hésitez pas à la contacter si vous avez besoin d’une playlist pour votre lieu !
Elle nous a concocté une playlist soul et funky à écouter à toute heure de la journée :
Elisa Dupont ⎮ 30.11.2021
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