Parce qu'on aime vous faire découvrir des personnes créatives de tous horizons, Feather a la chance d'avoir interviewé une de ces artistes pluridisciplinaires, Duchesse Bleue, qui sort tout juste son premier single et clip suivis d'un EP.
Hello Duchesse Bleue , merci de nous accorder ce petit moment pour te découvrir toi et tes jolis textes.
Déjà comment vas-tu à l'aube de ces sorties imminentes ?
Je vais être honnête, parce que c'est tout à fait ce que je veux faire avec mon projet Duchesse Bleue, être honnête. Je me sens noyée de travail. Je suis directrice d'une compagnie de théâtre que j'ai créée toute seule. Je sais qu'il faut se casser les dents pour faire ses preuves auprès des pros et du public. Alors pour toutes ces sorties je me suis occupée de la com’, de la presse, d'organiser la release, de trouver des subventions, de presser les CD, de toutes les illustrations et de l'affiche de la release... Je suis vraiment contente que ça sorte, mais j'ai du mal à réaliser que les gens vont pouvoir écouter mes morceaux sur Spotify en faisant leurs courses ! Pour l'instant, je fonce. Il va falloir que je me pose pour apprécier. C'est pas pour rien que j'ai fais une chanson sur le burn out. Je trouve ça dommage que le travail gâche souvent le fruit du travail...
Peux-tu nous parler un peu de toi ?
Je suis “une grosse gouine gavé drôle”, en tout cas c'est ce qu'il y a marqué sur mon profil Tinder. Mais plus en détails, je suis directrice de la Compagnie “C'est pas Commun” que j'ai créée en 2016, je suis autrice, comédienne, metteuse en scène, dj, karaokiste, je fais des dessins et j'organise des soirées avec la meilleure asso de Bordeaux “la Foudre prend Racine”.
Qu'est ce qui t'a fait monter sur scène cette fois pour chanter?
La découverte de mon lesbiannisme. J'ai fait cette incroyable découverte en janvier 2020 et ça a révolutionné ma vie, ça a débloqué plein de trucs chez moi, notamment des émotions : colère, angoisse, tristesse... Tout ça était bloqué, coincé dans le placard avec moi, bien planqué derrière la mariole. Tout a explosé d'un coup et le moyen que j'ai trouvé d'exprimer tout ça, c'est la musique, avec “Duchesse Bleue”. Quand je suis sur scène en tant que comédienne, je peux être vraiment marrante, d'ailleurs tous mes spectacles sont comiques. Mais mets-moi derrière un micro et dis moi de chanter... toute ma carapace se brise et je me sens ultra vulnérable. C'est dur, mais c'est ce dont j'ai envie dans ma vie artistique en ce moment.
D'où vient le nom de Duchesse Bleue ?
Il y a plein d'explications à ce nom ; “Duchesse” c'est parce qu'un pervers narcissique qui était à ce moment dans ma vie m'appelait comme ça puisque mon nom de famille est Duc et parce qu'il se foutait de moi en disant que je n’ avais rien d'une duchesse, aucune élégance, aucune prestance... Quand notre histoire s'est terminée j'ai d'abord eu un gros rejet sur ce surnom que plein de gens avaient fini par adopter. J'ai fait du chemin sur cette histoire et comme les mots “gouine” et “queer” qui sont à la base des insultes, j'ai décidé de me le ré-approprier.
Et puis le bleu est arrivé aussi en même temps que la découverte de mon lesbiannisme ! Je me suis mise à dessiner après ma première rupture avec une femme, et le bleu revenait tout le temps. Pour moi le bleu c'est synonyme de sincérité, de vérité même.
Depuis mes 16 ans, j'ai vu le film "Mulholland drive" 70 fois et dedans y'a un jeu de fou entre la couleur rouge qui représente l'illusion et le bleu qui représente la réalité. C'est une œuvre majeure de ma vie... Et aussi, à chaque fois que je suis allée à Beaubourg, je me suis mise à pleurer devant les tableaux d'Yves Klein. Encore un truc avec le bleu : c'est censé être la couleur des garçons, et donc en tant que féministe, j'ai envie de contrebalancer ces codes rétrogrades et sans logique. Et puis "Duchesse Bleue" ça claque ! Les gens s'en rappellent en général.
Peut-on dire que Duchesse Bleue est le prolongement d'Alexia ou sont-elles à l'opposé?
C'est carrément mon prolongement. Duchesse Bleue c'est Alexia mais sans sa carapace, c'est moi à poil face au monde.
Ta chanson " Les oiseaux " qui est le point de départ de ce projet est pleine de douceur et à la fois de puissance..peux-tu nous en parler plus en détails ?
“Les oiseaux”, c'est une chanson qui parle de burn out. Elle commence avec douceur en effet et puis petit à petit l'auditeur.ice se retrouve piégé.e dans une boucle de plus en plus puissante, violente même, jusqu'à l'explosion où la musique prend un autre virage encore. Je l'ai pensé comme le système du burn out : tu commences un boulot qui te plaît, tu t'y sens bien alors tu t'investis de plus en plus et tu finis par exploser !
Ma collaboration avec Émeline Marceau s'est super bien passée comme tout ce que je fais avec cette personne incroyable. A l'époque je pensais que j'étais incapable de composer toute seule parce que j'ai pas de formation. Alors je lui expliquais de façon imagée ce que j'entendais dans ma tête, les mélodies, les sons et elle, elle me proposait des trucs, et on a fait des aller-retours comme ça jusqu'à ce que ça sonne ! J'avais pas du tout un vocabulaire technique et ça a été un défi assez chouette pour nous deux finalement. Je raconte plein d'autres choses sur cette chanson dans une vidéo que vous pouvez trouver sur Youtube ou sur Instagram.
Et comment as-tu construit le reste de cet EP ?
En fait “Les oiseaux” c'est la dernière chanson de mon EP. J'ai essayé de plein de façons de la mettre au début ou au milieu, mais il n’y a rien à faire, elle conclut vraiment trop bien l’ensemble, alors je l'ai laissée là. L'ordre des chansons me suit depuis l'été dernier, c'est l'ordre que je fais en concert, je me sens en phase avec cette progression... En gros ça fait : deep, joie, dep'.
J'ai construit cet EP comme une soirée tamisée avec une bonne amie. Le genre de soirée où tu as des conversations intenses qui te remuent et où le lendemain tu as avancé sur ta vie et tu prends des décisions. Dedans je parle de dissociation, de carapace, de ma joie d'être gouine, d'amour, de relation d'emprise et de burn out. Tout un programme...
Tu joues, tu écris, chantes mais aussi dessines..la création telle que tu la pratiques actuellement a-t-elle une fonction cathartique ?
Oui complètement ! Je sors des trucs de moi, je les montre aux gens, ça résonne en eux... Bim bam boum, l'art quoi !
Que ressens-tu suite à cette grosse phase créative ?
Ma phase créative pour ces morceaux ça fait longtemps qu'elle est passée. Comme je disais, là c'est fait des mois que je bosse sur tout ça pour que ça sorte. J'ai encore plein de chansons dans ma besace et il me tarde de les bosser pour les sortir en concert. Je suis vraiment une meuf de la scène, donc j'ai trop hâte de présenter tout ça au public surtout.
Et pour finir, avec qui rêverais-tu de collaborer ?
Genre maxi dream no-limit ? November Ultra, Mansfield Tya, Jeanne Aded, Pomme, Léonie Pernet... On bosse toutes ensemble pendant un mois dans une grande maison au bord de l'océan et on fait un super album goudou-queer qui traverserait les siècles !
Merci Duchesse Bleue pour toute cette sincérité, on te souhaite le meilleur sur scène et dans ta création.
Margaux Dory I 10.04.2023
留言