À l'occasion de la sortie de son premier EP intitulé '"Candela", j'ai eu le privilège de converser avec Alsy, une jeune femme d'ascendance franco-chilienne. Dotée d'une personnalité aussi rayonnante que profonde, Alsy imprègne sa musique de cette même énergie, mêlant habilement des influences reggaeton, synth pop, électro hypnotique et même des sonorités bachata. Cette artiste polyvalente déborde d'inspiration tant sur le plan musical qu'artistique. Je vous convie à plonger avec moi dans l'univers prometteur de cette talentueuse jeune femme !
Maintenant une semaine que ton premier EP « Candela » est sorti, quels sont tes premières impressions et les retours qui ont pu t’être fait ?
« Très heureuse et aussi soulagée que l’EP soit sorti. Ça faisait 3 ans que j’avais commencé à travailler dessus. C’est libérateur d’enfin pouvoir le montrer au monde. J’ai eu des bons retours même si je ne m’attendais à rien, puisque j’ai commencé à faire de la musique sans imaginer faire un projet au départ. Et puis j’ai eu surtout des retours en Espagne et Amérique du Sud, même si ça fait son chemin ici aussi. La France est moins ouverte aux propositions qui ne sont pas en français. Je ne prends en tout cas que le positif. »
Je trouve que la question de la langue prend beaucoup de place alors qu’au final c’est de la musique, de la sensibilité, et pour moi ça passe avant tout par la musicalité des mots
Tu parles d’un “manque d’ouverture” que nous pouvons avoir ici en France, concernant les propositions musicales plus inter, quel est ton avis sur la question ?
« Le rap français est beaucoup plus présent sur la scène et c’est super ! La pop française évidemment, ou les sons en anglais. Mais c’est vrai que les autres propositions artistiques sont peut-être moins mises en avant. Mais honnêtement ce ne sont pas des questions que je me suis posées au départ en commençant à faire du son, ou qui ont guidé mes choix.
Ce premier projet devait être en espagnol parce que c’est ce qui s’est imposé à moi de façon très naturelle. Peut-être que le prochain sera en français, en anglais, si je le sens comme ça. Je trouve que la question de la langue prend beaucoup de place alors qu’au final c’est de la musique, de la sensibilité, et pour moi ça passe avant tout par la musicalité des mots. J’aime l’idée qu’on puisse passer d’une langue à une autre en décloisonnant un peu plus les choses, sans que ce soit forcément un sujet, et que ce soit juste fluide à l’écoute. Mais je pense qu’on va de plus en plus vers ça donc c’est cool. »
Je marche à l’émotion, la sensibilité, je ne calcule rien au moment où je crée
As-tu justement une projection artistique en tête ? Tu vises plus un pays ou public en particulier ? Pour t’adapter à ce manque d'ouverture musicale ressenti en France ?
« J’ai plein d’envies artistiques en termes de création oui. Pour la suite des sons que je vais produire, j’ai une vision assez claire de ce que je voudrais explorer. Pour le reste je ne me pose pas forcément la question. Surtout que quand un projet sort, ça nous appartient déjà plus, ça appartient aux gens, et ça se retrouve dans des endroits qu’on n’avait pas imaginés. Je trouve ça très beau, donc je n’ai absolument pas envie de toucher à ça. Je marche à l’émotion, la sensibilité, je ne calcule rien au moment où je crée. Du coup je pense que toutes ces questions ne m’appartiennent pas.
Quand j’ai commencé à faire des sons, c’était très spontané, sans attentes. Les choses se sont faites tellement petit à petit que la question de comment ça allait être reçu ne s’est jamais vraiment posée. Je préfère donc créer ce que j’aime et ce qui me fait plaisir. Par la suite, je voudrais éviter de tomber dans la pression de l’attente et que ça vienne me gêner au moment de la création. Je préfère laisser le plus possible vivre ma musique de façon organique. »
Quel rapport entretiens-tu de manière générale avec l'art ? Tu as commencé et ne fais que de la musique, ou tu pratiques autre chose ?
« J’ai fait des études d’art, donc j’ai toujours été sensible aux arts visuels. Et j’imagine que c’est pour ça que c’était important pour moi d’exprimer ma vision au-delà de ma musique, en participant aussi à la réalisation de mon dernier clip, chose que j’aimerai faire de plus en plus. Aussi, j’ai eu la chance de grandir dans une famille qui ne m’a mis aucune pression dans mes choix et m’a offert beaucoup de liberté dans ma créativité. Je sais que c’est une chance d’avoir ce soutien. J’ai beaucoup de respect pour le parcours de mes parents et c’est sûrement de là que vient mon attachement si fort à mes racines.
Je crois que j’ai toujours voulu faire de la musique. Au départ j’avais commencé des maquettes sur garage band, et au piano, ça ne sonnait pas mais j’essayais. En plus au début tu cherches ton son, tu tentes des trucs. L’envie était là, je ne savais juste pas par où commencer, personne de mon entourage ne faisait de musique et je n’ai pas étudié la musique, donc c'était de l'expérimentation pure. C’est quand j’ai commencé à avoir un entourage de musiciens que ça a réveillé à nouveau cette envie-là. »
Avec Jimmy, on a connecté sur notre sensibilité artistique. Je trouve ses choix artistiques très forts et sans concession, et c’est rare
Le projet est justement co-réal avec Jimmy Whoo, j'ai vu que vous aviez déjà collaborer ensemble sur le single Bingo Bingo, en 2019, comment est-ce que la connexion s'est faite ?
« Avec Jimmy, on a connecté sur notre sensibilité artistique. Je trouve ses choix artistiques très forts et sans concession, et c’est rare. À ce moment-là, il travaillait sur son album “Basic Instinct” et m’a fait écouter la prod de Bingo Bingo et Still Cruisin’, il imaginait des voix en espagnol dessus. J’ai posé dessus, un peu pour m’amuser et on a enregistré les voix dans un home studio avec un sm58. Et au final on a aimé comment ça sonnait et les sons ont bien été accueillis par les gens. Je m’y attendais pas du tout. On a trouvé qu’il y avait un bon mix entre nos deux univers et ça nous a donné envie de juste continuer de collaborer sur des sons. »
J’aime quand un morceau m'hypnotise au point que je peux l’écouter en boucle sans jamais m’en lasser
Et pour parler de tes goûts musicaux, qu’est-ce que tu écoutes toi ? Tu as quoi dans ta playlist ?
« Plein de trucs ! J’écoute pas mal de son d’ambiant, surtout en ce moment, du Gaussian Curve du Brian Eno, Jason Kolàr, des musiques très émotionnelles avec beaucoup de textures comme du Enya, du Grouper. Sinon, j’adore Kali Uchis, Shy Girl, Molly Nilsson ou Weyes Blood. Il y aussi des artistes de la scène chilienne et espagnole que j'écoutais en boucle quand j’ai découvert, comme Talisto, Bea Pelea, Bad Gyal, Dinamarca. Et parmi les artistes que j’ai découvert assez récemment et que j’adore écouter, il y a Sassy 009, Meth Math, ML Buch ou Ana Caprix, pour ne citer qu’eux. Donc beaucoup de choses très variées au final, mais j’imagine que le point commun c’est toujours l’émotion. J’aime quand un morceau m'hypnotise au point que je peux l’écouter en boucle sans jamais m’en lasser. »
Quel a été votre processus créatif JW et toi, afin de concevoir vos musiques et d’en faire un projet en ton nom ?
« Quand on a commencé les sons ensemble, c’était pas mal à distance au début. On s'échangeait des maquettes qu’on bossait chacun de notre côté. À ce moment-là je commençais à me constituer un home studio en ajoutant petit à petit l’ordi, la carte son, le micro, jusqu'à avoir ce qu’il faut pour produire et enregistrer les voix seule. Du coup, j’ai record toutes mes maquettes comme ça, je me suis plongée dans Ableton.
C’est que dans un second temps qu’on est passé en studio. On a bossé au Studio Ciel Rouge à Paris. C’est là qu’on a fait pas mal de sessions d'arrangements pour finir les morceaux avec Jimmy et Rose, qui est à la prod de Sensitiva, et avec qui on a beaucoup de références musicales en commun. Il sort bientôt son projet solo d’ailleurs et j’adore ce qu’il fait !
En tout cas les gars se sont vraiment investis et ont cru dans le projet dès le départ. On a beaucoup échangé, et j’ai essayé au mieux d’exprimer ma vision. Parfois j’ai dû leur demander de pas mal sortir de leur zone de confort pour aller dans ma direction, je pense surtout à Jimmy et Peter, pour Soledad avec qui on a fait un genre de reggaeton low tempo, pas du tout ce qu’ils ont l'habitude de faire. Ce son a fini par être un mix super étrange. Et c’est ce que je trouve intéressant et enrichissant pour chacun. »
C’était pour moi une façon de m’approprier cette partie de moi qui pourtant m’échappe
Pour les gens qui, comme moi, n’ont pas forcément correctement suivi leurs cours d’espagnol au collège, je serai incapable de pouvoir dire de quoi tu parles à travers les paroles de tes chansons, peux-tu m’aider à les traduire ?
« Ahaha, je comprends. C’est peut-être ton/ta prof au collège qui t’as “traumatisé”, c’est dommage, parce que c’est une langue géniale !
À la base, la raison pour laquelle j’ai écrit ce projet en espagnol, n’était pas réfléchie. Juste une évidence. Mon père est chilien et j’ai toujours été hyper curieuse de sa culture. C’est un pays tellement loin de la France, que moi petite, je fantasmais et idéalisais beaucoup cet ailleurs auquel je suis attachée. Je pense qu’avec ce premier projet, c’était pour moi une façon de m’approprier cette partie de moi qui pourtant m’échappe. Quand tu es enfant d’immigré, t’as un peu ce sentiment d’être tiraillé, de pas savoir qui tu es, beaucoup de personnes doivent ressentir ça. Très naturellement chanter dans ma langue paternelle m’a permis de raconter là-bas, mes souvenirs quand j’y ai vécu enfant. C’est pour ça que dans mes textes je parle autant de contrastes, d’images un peu floues, brumeuses, comme un rêve, des contradictions, des déchirements, des sentiments forts, refoulés, tiraillés. Mais à la fin, j’ai essayé de transformer tout ça en quelque chose de beau, sans lourdeur, juste tendre et doux.
D’ailleurs, ce n’est pas grave si tu ne comprends pas tout aux paroles, parce que tu peux être touché par l’intonation, la mélodie, les textures, juste l’ambiance du son. Et je trouve ça hyper intéressant justement, quand ne pas saisir toutes les paroles te permets de raconter ta propre version du son, te l'approprier encore plus. C’est sans doute pour ça que j’aime particulièrement écouter des sons avec des textes assez imagés, poétiques, ou juste sans paroles. »
© Crédit Photo : Alsy
Je pense qu’être artiste c’est toujours être un peu idéaliste. Il faut être un peu fou pour faire ce choix dans ce monde, du coup c’est un moteur qui donne du courage pour tenter, créer, et se détacher aussi de l’attente, des doutes et juste suivre son chemin sans concession.
Quels sont pour toi, les deux ou trois mots qui te décrivent le mieux ?
« Wow ! Compliqué comme question ! Je pense que le premier qui me vient à l'esprit, et qui fait écho au projet, c'est “sensible”, d’où mon son “Sensitiva”. Je pense qu’il n’y a pas besoin de l’expliquer beaucoup, et que ma meilleure façon de gérer et de donner du sens à ça, c’est en faisant de la musique.
Ensuite, je dirai "idéaliste". Je suis une grande rêveuse, qui veut toujours voir le bon. Et je pense qu’être artiste c’est toujours être un peu idéaliste. Il faut être un peu fou pour faire ce choix dans ce monde, du coup c’est un moteur qui donne du courage pour tenter, créer, et se détacher aussi de l’attente, des doutes et juste suivre son chemin sans concession. »
Le futur d’Alsy, c’est quoi ? Des choses de prévues ? Une ambition particulière, un but ultime ?
« Déjà niveau dates à venir, je fais le Macki Festival le 30 juin 2024, le festival qu'organise mon label Cracki Records. Et si je pouvais faire bientôt quelques dates en Amérique Latine, ce serait incroyable pour moi. J’ai ma release party aussi qui va arriver pendant le printemps, pas de date précise encore mais je communiquerai dessus au moment voulu.
Sinon, je commence à définir la couleur du prochain projet et j’ai hâte de retourner en studio pour travailler dessus ! »
© Crédit Photos : Cracki Records (à gauche) ; @sltcamille (à droite - artwork de l'EP Candela)
Note personnelle de notre rédacteur Théo :
« Nous nous sommes entretenus durant une longue heure avec Alsy. Nous avons parlé et échangé sur plusieurs sujets autour des questions que j’ai pu lui poser de manière très décousue. J’ai n’ai pas pu (malheureusement) écrire l’entièreté de notre échange, tant il y était alimenté et varié. J’ai donc essayé de retranscrire au mieux ce que j’ai pu percevoir chez cette artiste très talentueuse et dont l’univers musical ne vous laissera pas indifférent ! Merci encore à Alsy pour cet échange, en espérant que l’article vous plaise et vous aide à en apprendre plus sur elle :) »
Formulation de l’article retouché par Alsy.
Infos pratiques :
Nouvel EP en solo d'Alsy
Macki Festival, le dimanche 30 juin 2024
155 Rue de Bezons, 78420 Carrières-sur-Seine
Pour prendre vos places, c'est ici !
🎫 Tarifs : de 32,00€ pour le Pass Dimanche (en cool price) à 42,00€ (en last price)
Retrouvez toute l'actualité d'Alsy via ses différents réseaux sociaux et pour sa première date en tête d'affiche grâce aux liens ci-dessous !
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Théo Giordanella | le 25.03.2024
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