top of page

Gauvain Sers, de retour avec son nouvel album “Ta place dans ce monde”

Lors de sa tournée, Gauvain Sers était de passage à Bordeaux le 14 octobre dernier. Feather l'a rencontré pour qu'il nous parle de son dernier album.

© Guillaume Ferran

Bonjour Gauvain, tu as déjà deux disques de platine mais peux-tu te présenter en quelques mots pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?


Alors je m’appelle Gauvain Sers, je suis auteur-compositeur interprète et je suis en concert ce soir au théâtre Fémina à Bordeaux pour la tournée suite à la sortie de mon troisième album.

Tu fais de la chanson française qui mêle à la fois poésie et réalisme et dans chacune de tes chansons tu nous embarques dans une histoire. Comment t’est venue cette façon d’écrire ?


En tant qu’auditeur, j’ai toujours aimé les chanteurs qui chantaient des chansons avec un début et une fin, avec des choses qui se passent dans la chanson ; on a envie d’entendre la suite. J’aime bien poser un cadre, qu’il y ait de jolies chutes. J’aime bien aussi le fait qu’on ne puisse pas inverser les couplets dans une chanson. C’est comme un petit scénario, un court-métrage qui permet de mettre en scène des personnages, de mêler des émotions. J’essaie d’y mettre de l'humour, de la tendresse, et un côté un peu plus social. J’essaie de raconter ce qui me touche dans la vie, comme si j’avais une caméra sur l’épaule.

On connaît un petit peu tes influences musicales mais si tu devais choisir un artiste qui t’a particulièrement inspiré, ou que tu aurais aimé rencontrer lequel serait-ce ?


En choisir qu’un c’est compliqué parce qu’on est justement le fruit de tout ce qu’on a écouté, mais si je devais en choisir un ce serait peut-être Renaud. Pour le coup je l’ai rencontré ! C’est un des artistes que j’ai le plus écouté et j’ai une tendresse infinie pour lui et pour la générosité qu’il a eue avec moi un moment où absolument personne ne l’aurait fait. Maintenant on est devenus amis, il a une fidélité qui me bouleverse beaucoup, c’est un peu mon parrain dans le milieu (rires), je l’embrasse au passage.


© Guillaume Ferran
Ce qui est flippant, je trouve, c’est qu’il y a de plus en plus de divisions entre les gens et c’est vrai que la période que l’on vient de traverser creuse les fossés de l’injustice.

Les paroles de tes chansons sont souvent très engagées. Parmi les causes qui te révoltent, je pense à la politique anti-immigration dans « Au pays des lumières », aux violences faites aux femmes dans « Excuse-moi mon amour ». On peut aussi évoquer « Les Oubliés », une chanson qui parle à des zones rurales délaissées, ou même « Hénin-Beaumont » un hymne contre le Front National. Qu’est-ce qui te révolte le plus dans l’actualité parmi les récents événements ? Qu’aimerais-tu voir changer ?


Ce ne sont pas les sujets qui manquent. Déjà tout ceux que tu viens d’évoquer n’ont pas tellement évolué… On se demande parfois à quoi ça sert d’écrire des chansons… Je plaisante. Ce qui est flippant, je trouve, c’est qu’il y a de plus en plus de divisions entre les gens et c’est vrai que la période que l’on vient de traverser creuse les fossés de l’injustice. Le dénominateur commun de beaucoup de mes chansons c’est l’injustice, que j’ai du mal à supporter. On voit comment Éric Zemmour en quelques mois arrive à susciter l’intérêt d’une élection, ça me fait assez flipper et ça pourrait être le sujet d’une prochaine chanson, je pense.

Dans tes chansons, on se sent souvent concerné, on s’identifie aux personnages que tu mets en lumière. Et c’est grâce à cette sincérité dans ses histoires de vie que chacun peut se reconnaître ou être ému. Si on a participé à la fameuse marche entre République et Nation en janvier 2015 après les attentats de Charlie hebdo, on frissonne forcément à l’écoute de ta chanson. D’autres sont très poignantes comme « Mon fils est parti au djihad ». Ouais, celle-ci c’est une histoire vraie en plus. Est-ce qu’il y a des sujets brûlants sur lesquels tu n’arriverais pas à écrire ?


Je ne me suis jamais dit ça. C’est plutôt que je vais me mettre une barrière moi-même, pour un sujet sur lequel je ne vais pas me sentir assez légitime de porter cette cause-là, parce que je ne m’en sens pas capable ou pas assez impliqué. Pour la chanson Les Oubliés par exemple, je ne pense pas avoir pu l’écrire si j’avais grandi à Paris. Mais ayant grandi dans la Creuse, je me sens proche de ces sujets-là. Sinon je n’ai pas vraiment de tabous, je ne me mets pas de barrière, j’essaie juste d’être précis dans le choix de mes mots pour éviter toute mauvaise interprétation.

Peut-être qu’inconsciemment le fait d’être renfermé un peu sur moi durant l’écriture de ces chansons, peut-être que j’ai eu envie de parler un petit peu plus de moi.

On ne fait pas que pleurer à l’écoute de tes chansons je précise, il y en a de bien plus légères, qui parlent d’amour, de famille, de petits moments du quotidien. Il y a d’ailleurs une jolie chanson d’amour dans ce dernier album. Est-ce que tu dirais qu’il est encore plus personnel que les précédents ?


C’est ce que les gens me disent. Ils doivent avoir raison puisque c’est ce qu’ils ressentent. On ne peut pas tellement tricher avec ça. Peut-être qu’inconsciemment le fait d’être renfermé un peu sur moi durant l’écriture de ces chansons, peut-être que j’ai eu envie de parler un petit peu plus de moi. Peut-être qu’au fur et à mesure des albums, j’arrive un peu plus à me libérer, à me mettre à nu. En tout cas moi quand j’écoute des artistes, je le sens tout de suite quand le mec est sincère et enlève un peu sa carapace.


Dans la chanson « Sentiment étrange » de ton dernier album, tu parles de racisme en évoquant Lili. Peu de chanteurs français en dehors de Pierre Perret ont parlé du racisme de manière frontale ; pourtant en 2021, il reste présent. Tu emploies dans cette chanson l’expression « le verre à moitié plein ». Pour toi est-ce que ça signifie que la situation évolue et que le racisme diminue ou simplement que tu es optimiste ?


Un peu des deux. J’avais envie de faire retomber la pièce du bon côté cette fois-ci. Il y a encore du chemin à faire mais quand même depuis Lili il y a quand même du progrès. Mais on le voit, il y a encore des tas de faits divers, d’inégalités de chances à la naissance etc. Je voulais faire un état des lieux. Et puis le racisme s’est un peu décalé, ce n’est plus exactement le même. C’est ce racisme ordinaire qui est encore plus difficile à combattre. Mais la musique est aussi faite pour être porteuse d’espoir.

La scène c’est l’endroit que je préfère. Ça m’a beaucoup manqué. À la fois j’avais besoin d’une pause je pense, parce qu’on avait beaucoup tourné depuis quatre ans

Le mot de la fin : après le confinement, comment vis-tu cette nouvelle tournée ? Quel est le lien avec le public pour toi ?


Je suis super content ! Je peux refaire une grosse partie de mon métier et revoir les gens… La scène c’est l’endroit que je préfère. Ça m’a beaucoup manqué. À la fois j’avais besoin d’une pause je pense, parce qu’on avait beaucoup tourné depuis quatre ans. Mais là les batteries sont rechargées donc je suis hyper content, on arrive avec un nouveau souffle aussi, des nouvelles chansons, les salles sont pleines et ça fait du bien.




 

Hélène Duclos et Guillaume Ferran⎮ 28.10.2021



177 vues
bottom of page