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Le Salon du livre de poésie : une expérience artistique et humaine

La 23e édition du Salon du livre de poésie vient à peine de s’achever. Elle s’est déroulée du vendredi 4 au mercredi 9 mars 2022, prenant place dans les Halles du marché des Chartrons. Retour sur ce salon qui met à l'honneur toute la richesse de la poésie.

Durant ces cinq jours, de nombreux éditeurs, poètes ou encore libraires ont investi les Halles pour offrir aux friands de poésie divers stands de livres, tous différents les uns des autres. Tous les goûts étaient mis à l’honneur, allant de la poésie contemporaine à la poésie plus classique avec des poètes tels qu’Ovide ou Pouchkine.


Certains poètes eux-mêmes étaient présents pour présenter leurs recueils, anciens ou nouveaux, et certains d’entre eux ont d’ailleurs proposé des prestations d’oralisation de leurs magnifiques poèmes. Ces prestations avaient lieu gratuitement l’après-midi au sein même du salon, et également le soir avec un prix d’entrée variant entre 6 et 12€ selon l’intervention (10€ maximum pour les étudiants ou les demandeurs d’emploi).


L’après-midi avaient souvent lieu des présentations de maisons d’édition, telles que les éditions Mesures ou encore les éditions Bruno Doucey, accompagnées de lectures de poèmes réalisées parfois par les écrivains eux-mêmes. Quant au soir, les représentations étaient un peu plus variées, étant composées de lectures musicales par exemple, comme celle de Maudits sont les poètes réalisée par Zakary Bairi et accompagnée par un quatuor à cordes.


Ce Salon du livre de poésie est donc ouvert à tous, proposant plusieurs stands de poésie divers ainsi que des représentations variées, ce qui permet à tout un chacun de trouver son bonheur.

Photo : Ville de Bordeaux

Le Salon du livre de poésie : le fruit d’une amitié


Né il y a maintenant 23 ans, le Salon du livre de poésie a vu le jour grâce à une amitié entre deux éditeurs de poésie et un libraire bordelais. Leur rencontre a eu lieu au Salon du livre de Bordeaux, qui existait déjà il y a plus de trente ans. Ce salon était quelque peu singulier puisque, contrairement à la plupart des autres salons, celui-ci était composé de libraires et non d’éditeurs. Le libraire était donc mis à l’honneur, choisissant ses éditeurs et vendant ses livres. Parmi cette multitude d’éditeurs qui arpentaient ce salon se trouvaient deux éditeurs spécialisés dans les livres de poésie.


En regardant les différents stands, ils constatèrent que la poésie n’était que très peu présente dans ce salon qui mettait en avant majoritairement d’autres genres littéraires, tels que le roman. Puis, ils ont découvert le stand de Jean-Paul Brussac, détenteur de la Librairie Olympique située sur la place du marché des Chartrons. La discussion s’entame et c’est alors qu’une proposition survient de la part des éditeurs : pourquoi ne pas créer un salon qui serait entièrement consacré au livre de poésie ?

Jean-Paul Brussac considère cette idée et finalement l’approuve. Étant un amoureux de la poésie, il ne peut refuser une proposition qui la mettrait à l’honneur et qui permettrait au public d’en découvrir plus sur cet art qui lui est cher.

Les Halles des Chartrons se sont présentées comme une évidence en ce qui concerne le lieu d’accueil. Jean-Paul Brussac a donc monté une association, l’Association Culturelle du Marché des Chartrons, grâce à laquelle de nombreuses démarches ont été possibles, telles que la demande d’investissement des Halles ou encore de quelques aides financières. L’association s’est alors peu à peu agrandie, et ce grâce à l’investissement de personnes bénévoles.


Cependant, l’équipe reste relativement réduite puisque, comme le dit Jean-Paul Brussac, il faut être réellement passionné car cela demande une certaine disponibilité pour pouvoir s’impliquer pleinement dans l’association et dans l’organisation du salon.

Les bénévoles sont donc aujourd’hui au nombre de quatre, ce qui est un challenge remarquable si l’on tient compte de tout le travail fourni en amont du salon.



Une mise en place rapide et efficace

Comme dans toute association, chaque bénévole possède un ou plusieurs rôles à jouer dans l’organisation d’un événement. En ce qui concerne le Salon du livre de poésie, plusieurs éléments sont à mettre en place avant la manifestation et chacune des personnes impliquées doit accomplir diverses tâches afin que l’événement soit mené à bien. L’élément premier est réalisé par Jean-Paul Brussac, qui a pour responsabilité de trouver les différents invités du salon à venir. Il réalise ces appels en fonction de ses lectures, de ses intérêts et goûts du moment, des collections, de la cohérence mais aussi de l’amitié… Bref, beaucoup de critères entrent en jeu sans pour autant que tout reste fixe.


Ce salon, que Jean-Paul Brussac nomme “construction”, est en effet le lieu de tous les possibles, où rien n’est immuable et où tout peut arriver. Chaque année est donc différente des autres, la nouveauté faisant sa place à chaque manifestation.


Photo : André Markowicz

Le salon et la Librairie Olympique ayant désormais une certaine notoriété, il n’est pas compliqué pour Jean-Paul d’obtenir des réponses positives de la part des éditeurs ou poètes invités qui lui font alors confiance. Il fait pourtant appel à de grands noms, à des vedettes de la poésie et de l’édition, comme par exemple André Markowicz qui était présent cette année, qui répondent presque toujours favorablement à sa demande.


Ce sont précisément ces grands noms qui attirent le public mais il y a tout de même une volonté de mêler à ces célébrités à des personnes moins connues, voire inconnues afin d’offrir l’occasion à ces jeunes poètes ou éditeurs de se faire connaître et de faire connaître leur art à un public désireux d’en découvrir plus. Or, outre cette organisation première existe une logistique importante qui, sans les bénévoles, ne pourrait être assumée. En effet, pour que les personnes invitées puissent assurer leur présence au salon, il faut leur trouver un logement, prendre en compte leurs moyens de transport, etc…


La programmation est aussi un élément indispensable à la bonne diffusion de la manifestation auprès du public. C’est l’un des quatre bénévoles qui, étant un ancien dans le métier, se charge de cette programmation essentielle au partage d’informations. Il y a tout un suivi méthodique important qui doit être respecté, ce qui est manifestement le cas lorsque l’on assiste à ce Salon organisé et orchestré à la perfection, ce qui est plutôt remarquable lorsque l’on tient compte du délai restreint dans lequel les bénévoles ont travaillé cette année. Habituellement, les réponses des invités tombent entre les mois de septembre et octobre, laissant alors un temps plus large aux bénévoles pour manoeuvrer et faire les différentes démarches.


Or, en raison de la pandémie, cette année fut plus ou moins écourtée puisque, les conditions sanitaires étant relativement instables, les invités ne pouvaient réellement se prononcer sur leur venue. De ce fait, l’organisation complète s’est réalisée en l’espace de deux mois, les premières réponses positives étant parvenues seulement à partir de janvier. Il est donc assez impressionnant de constater tout le travail fourni en si peu de temps et de voir une réalisation finale si bien construite.


Une expérience intéressante pour le visiteur, aguerri ou non

Je me suis rendue au salon le samedi 5 mars. J’y ai passé presque l'après-midi entière sans pour autant avoir pu faire tous les stands, bien que l’événement soit à taille humaine. En effet, ce qui est très agréable, c’est qu’il n’y a pas une profusion de stands - les Halles étant assez petites, le nombre de stands est également réduit mais largement suffisant, ce qui nous permet de flâner sans se presser.

Photo : Pierre-Louis Aouston

Chaque invité possède environ une table d’exposition sur laquelle sont disposés les livres de poètes présents ou non. Dès que je suis entrée dans le salon, mon chemin a croisé celui de Pierre Louis Aouston, poète mais plus particulièrement poète sonore. Désireux de partager son art, il m’a fait découvrir ce qu’était cette poésie sonore qui était jusqu’alors inconnue pour moi.

Il me l’a expliquée avec ses mots et, absorbée par ces explications, je suis restée un bon nombre de minutes sur ce premier stand qui, en réalité, permet de se plonger dans le monde de la poésie et de l’appréhender de différentes manières selon les stands que l’on visite.

Chaque stand possède sa personnalité et c’est pour cela que j’ai passé tant de temps à les découvrir, eux et leurs artistes singuliers.


J’ai donc eu l’honneur de dialoguer avec André Markowicz, majoritairement connu pour ses traductions notamment du russe, mais qui est également poète. Il a pris le temps de m’aiguiller sur le statut des œuvres qu’il exposait, m’expliquant que les œuvres poétiques de sa partenaire Françoise Morvan formaient un cycle de vie dans lequel chaque recueil possède sa place et sa tonalité.


Mon errance s’est poursuivie jusqu’à Pierre-Lin Renié, que je qualifierais de “poète visuel”. Photographe, ses captures du monde réel et quotidien sont à la fois simples et poétiques. Il se considérait un peu comme “l’intrus” du salon alors même qu’il n’en était rien - ses photographies n’étaient que pure poésie, fragments d’un instant figé et pourtant en mouvement et en interaction avec ce monde qu’est le nôtre.


Les photographies défilaient, rassemblées ou non dans un recueil mais souvent datées puisqu’elles suivaient une chronologie des jours et des mois, mais non des années. Il était évident qu’il était plus que passionné par son travail, ou plutôt par son art, tout comme les autres exposants qui étaient ravis de répondre à vos questions et de vous informer.


Des artistes bordelais étaient également présents, comme Vincent Motard-Avargues et Dominique Boudou, exposants sur le même stand et pourtant poètes très différents l’un de l’autre. Vincent Motard-Avargues m’a parlé de ses poèmes, de ses inspirations qui tournent autour d’un mélange entre introspection et narration - ses poèmes sont écrits à partir de “ce qui est autour de soi et qui permet de se recentrer sur soi”, sous le mode de la journey (terme anglais désignant le voyage), notamment en ce qui concerne son recueil Là où ici (2021). Quant à la poésie de Dominique Boudou (Choses revues dans Bordeaux et ailleurs, 2021), elle repose sur le paysage urbain, bordelais ou non, dans une forme de prose poétique.

"Visiter ce salon est une expérience - poétique, littéraire, humaine."

Ces deux poètes illustrent donc plutôt bien la diversité d’art, de recueil ou de poésie présente sur ce salon des plus variés. Le dernier stand visité fût celui de Corinne Rippes, dont la poésie est majoritairement basée sur la nature. Cette poétesse, amie des arbres et d’autres formes de Nature, a élaboré une manière originale de vendre ses poèmes : elle a réalisé de petits pliages en papier de qualité sur lesquels un bref poème d’un unique vers est joliment écrit de sa main. Ces papiers repliés et entourés d’un lien rouge noué donnent l’impression que l’on achète un petit cadeau mystérieux dont on ne découvre le contenu qu’une fois ouvert.


En bref, bien que tous les stands n’aient pu être visités, j’ai beaucoup apprécié cette déambulation dans le salon. Toutes les personnes présentes sont vraiment agréables et bienveillantes, pleines de bons conseils pour découvrir la poésie ou pour l’approfondir. Ils prennent le temps de se présenter, eux et leur art, et l’on perçoit la passion dans leur voix et leur regard. Ils sont heureux d’être là pour vous renseigner, pour vous (re)donner le goût d’une poésie parfois un peu délaissée par un public maintenant plus attiré par les nouveautés romanesques ou autres genres.



Merci à Jean-Paul Brussac, qui a pris de son temps pour répondre à mes questions, et qui a permis à cet article de voir le jour.



Infos pratiques

Salon du livre de poésie

Association culturelle du Marché des Chartrons

23, rue Rode – 33000 Bordeaux


 

Margot Perennes I 15.03.2022

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