Si le titre « Les Chatouilles » vous évoque de prime abord un éclat de rire, ne vous méprenez pas, le sujet dont traite ce long métrage est difficile et douloureux: il relate l’infamie dévastatrice qu’est la pédophilie. Réalisé par Andréa Bescond et son mari Eric Métayer, « Les chatouilles » est l’adaptation cinématographique de la pièce « Les chatouilles ou la danse de la colère » de la réalisatrice.
Les Chatouilles est un film qui nous invite à assister au combat pour la reconstruction d’Odette, jeune femme violée par un ami de ses parents durant son enfance, histoire vécue par la réalisatrice elle-même, qui interprète le rôle d’Odette adulte à l’écran.
La première partie du film est très structurée : des flash-backs nous livrent les souvenirs douloureux d’actes abusifs et s'enchaînent directement avec des performances de danse dynamiques et vivantes mettant en scène Odette.
Cette dernière, qui rêvait petite de devenir danseuse étoile, se réfugie alors toute sa vie dans sa passion en nous offrant des scènes de danse contemporaine qui semblent traduire tout ce qu’elle ne peut dire avec des mots, nous transmettant ainsi ses ressentis intérieurs avec beaucoup d’émotions.
S’ajoute à cela s’ajoute un humour très appréciable (le personnage du danseur Benjamin, ses péripéties avec son pote Manu incarné par le rappeur Gringe, sa relation avec sa psychologue…).
Cette forme peut d’abord apparaître comme une façon “d’éviter” la gravité du sujet de la pédophilie, phénomène présent, connu, mais trop tu.
Cette esthétique particulière découle surtout de la vivacité d’Andréa Bescond et du personnage d’Odette qui s’accroche, tombe et se relève encore, en quête de l’équilibre personnel qui lui permettra de vivre pleinement.
A partir du moment où Odette, une fois adulte, plonge vraiment dans le vif de son traumatisme en décidant d’agir et d’en parler, les émotions et les scènes deviennent plus difficiles pour le spectateur.
Pierre Deladonchamps, César du Meilleur espoir masculin en 2014 pour «L'Inconnu du Lac», incarne très justement un rôle bien difficile, celui de Gilbert Miguié, l’ami parfait des parents d’Odette en public, violeur pédophile lorsqu’il impose à la fillette des séances de « chatouilles »… Les réalisateurs voulant sortir de la caricature du pédophile, Gilbert Miguié est celui à qui on ne s’attend pas, l’ami de famille serviable sur lequel on peut toujours compter.
Dans la presse, l’acteur partage la difficulté de jouer un tel rôle : sans préparation particulière, il s’est concentré sur les émotions qu’il pensait devoir ressentir pour se rapprocher au mieux des réactions et de l’attitude qu’adopterait son personnage.
Des mots qu’on préférerait ne pas entendre sont posés sur des faits et évoquent l’indéfendable : en découlent le chagrin, la déception, la colère.
Le film aborde alors la pédophilie en exposant plusieurs phénomènes tels que le déni familial, ce que la réalisatrice appelle le besoin de « s’anesthésier » (drogues, alcool, excès) mais surtout plusieurs interrogations qui semblent encore sans réponses: Comment réagir, grandir, vivre et s’épanouir en portant les traces d’un traumatisme aussi violent ?
Ces questions sont traitées de plusieurs points de vue : le père vivra éternellement avec la culpabilité de ne pas avoir remarqué ce que subissait son enfant, tandis que le personnage de la mère cultivera un conflit intérieur mêlant déni et agressivité.
Si le film « Les chatouilles » traite d’un sujet aussi dur que celui de la pédophilie, il demeure surtout comme un appel à la vie et à la reconstruction.
Andréa Bescond consacre fièrement l’allure du film qu’elle veut grand public, accessible, solaire et qui véhicule l’énergie du théâtre.
Alors qu’aujourd’hui, en Europe, 1 enfant sur 5 est victime d’abus sexuels d’après le Conseil de l’Europe, Andréa Bescond et Eric Métayer nous livrent une lueur d’espoir débordante de rage de vivre, bien nécessaire, dans un combat qui reste à gagner.
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Luna Salanave I 20/11/18
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