Le MaMA Festival approche ! Cette année, crise sanitaire oblige, concerts et conventions seront réservés aux professionnels de la musique. À cette occasion, Feather a pu interviewer quelques une des pépites de sa programmation.
Aujourd’hui, on vous emmène au coeur du danger ! Infiltration chez Les Vulves Assassines… Humour tranchant, et sonorités tumultueuses, la bande à DJ Conant et MC Vieillard accompagné de Sammy et Gaga vous propose une virée en soucoupe volante dont vous vous souviendrez.
Les vulves assassines c’est quoi, c’est qui ?
Les Vulves assassines, c’est un gang de meufs devenu groupe de punk-rap de l’espace. On fait du son qui fait mal aux oreilles, de la pyrotechnie, des chorégraphies de vulvons, et on se présente à la présidentielle de 2022… Ce genre de choses.
D’ailleurs : vulve, vagin, clitoris, ce sont des mots un peu tabou non ? On tend vers une évolution ?
« Clitoris » faut admettre que y’a une nette progression, c’est presque tendance. C’est à deux doigts de devenir le nom d’une marque de fringues. Y’a plus qu’à apprendre où ça se trouve et à quoi ça sert, mais au moins le mot est sorti du placard. « Vagin », là aussi, chez le docteur et en cours de SVT ça fonctionne. « Vulve » par contre, c’est dégueulasse. Toujours. Alors que c’est aussi le nom médical, et qu’il est vachement utilisé dans d’autres langues ; mais non, en France ça passe pas. Pourtant la sonorité est intéressante. Vulve… On dirait un coussin gonflable. On espère être ambassadrices de ce beau mot.
Votre album regorge de sujets plutôt sérieux (état d’urgence, IVG, consentement) sous des textes décalés voire humoristique : vous vous considérez comme un groupe engagé ?
On tend en effet à changer le monde en dosant savamment des punch-lines débiles avec de la propagande politique intellectuelle. Par exemple « Pierre Gattaz suce mon SMIC, Pierre Gattaz suce ma chatte », c’est à la fois festif et à la fois une porte ouverte sur la lutte des classes. On est bien conscientes que faire les marioles sur scène devant un public ivre et heureux ne sera pas entièrement suffisant, mais c’est toujours ça de pris.
J’ai vu que vous aviez signé une tribune publié dans le Monde en mai déplorant l'abandon du secteur culturel par le gouvernement en cette période de crise. Vous avez l’impression que la situation avance ?
Oui c’est vrai, on a co-signé une pétition avec Patrick Bruel entre autres, et depuis, les intermittents ont obtenu un peu de tranquillité jusqu’à août 2021. Ils sont pas sortis d’affaires mais c’était indispensable pour éviter la catastrophe sociale dans ce milieu. Nous, on a signé le truc par solidarité : on n'est pas encore intermittentes, et pour nous comme pour plein d’autres, c’est toujours le même bousin.
D’une façon générale, pour que la situation progresse, il ne faut pas se contenter de signer un papelard sur la culture avec un grand Q. Il faut surtout défendre des services publics de qualité en général, culture comprise, socialiser les moyens de production, et redistribuer les richesses de Patrick Bruel. Là on pourra avancer.
Dans un article du média « Atlantico », un journaliste vous a décrit comme « un groupe résolument féministe prêt à nous faire mourir par les moyens que la nature leur a donnés. » Comment vous expliquez ce genre de mésinterprétation de vos chansons ?
Atlantico n’est pas un blog très réputé pour son ouverture d’esprit. C’est un journal bleu-foncé, voire brun-merdasse. Donc ce qu’Atlantico retient de notre concert ne nous importe pas vraiment, on n’est pas faits pour s’entendre, ni sur le féminisme ni sur le reste. En vrai on reçoit très peu de mésinterprétations de nos chansons, et lors des concerts, même les personnes plutôt extérieures aux problématiques féministes sont réceptives.
Vous pourriez me citer 3 actus qui vous ont marquées sur l’année qui vient de passer?
Il y a eu le grand mouvement social contre la réforme des retraites de cet hiver, il y a eu l’énorme mouvement Black Lives Matter, et il y a eu cette petite friandise, quand Patrick Balkany a dansé comme un diable pour la fête de la musique à Levallois Perret au lieu de purger sa peine pour fraude fiscale. Ça donnait un peu de joie en cette période post-covid.
Parlons un peu musique, entre electro punk et rap votre album a quelque chose d’assez éclectique. Quelles sont vos influences ?
On n’en a pas vraiment (à part la Mano Negra à qui on aurait aimé ressembler, mais on ne savait pas jouer de trompette). C’est parce qu’on n’est pas très calées en musique que l’album est assez éclectique, on se permet de passer d’un style à l’autre sans trop se poser de question puisqu’on n’a pas de modèle en tête. Comme dirait Jésus, on est fraîches comme l’agneau qui vient de naître. Le deuxième album sur lequel on est en train de plancher sera de fait un peu plus construit et harmonieux parce que depuis on a bien été obligé de se renseigner un peu sur le métier. Dorénavant c’est Samy (la guitariste) qui fait l’éducation musicale du groupe, mais MC Vieillard et DJ Conant continuent d’aimer les choses simples comme Niska ou PNL.
Vous pouvez nous dire quelques mots sur votre processus créatif ? Comment se passe l’écriture des morceaux par exemple ?
Il faut déjà aller à Aubervilliers, pour l’ambiance. Sur un bureau DJ Conant fait les prods electro, sur la table de la cuisine MC Vieillard écrit de la poésie : on met ça l’un sur l’autre, en général ça ne fonctionne pas tout de suite, il faut corriger. On va donc au Bistro de la Mairie pour bien mettre les choses à plat, voir ce qu’il faut garder ou pas. Il est ensuite grand temps de remettre tout ça en ordre, zou, on file à la maison enregistrer les maquettes (les colocs et voisins sont très patients, merci à eux). Ensuite intervient Samy à la guitare, elle chamboule tout et c’est très bien comme ça. Il faut, dans un second temps, ré-enregistrer les voix et guitares au propre, et pour le deuxième album on peut vous dire qu’on s’est bien organisées : on a tout fait d’un bloc dans un vrai studio avec du vrai matos, à Curemonte, le plus beau village de France. Ça change du premier album où on s’était enregistrées dans notre salle de bain pour avoir de la reverb.
Qu'est ce que le MaMA festival représente pour vous, festival qui rassemble énormément d'acteurs du secteur musical cette année ?
Pour nous c’est un peu comme un entretien d’embauche. Il va falloir avoir l’air naturel, décontractées et sérieuses à la fois, mettre une petite cravate et jurer-cracher que franchement y’a pas mieux que les Vulves assassines pour pourvoir ce poste. Très cordialement.
Pouvez-vous nous citer un autre artiste/groupe de la prog dont vous appréciez particulièrement le travail, et pourquoi ?
Comme on disait plus haut, on a du mal à se mettre à la page sur l’actualité musicale et franchement on n’a pas beaucoup planché sur les autres groupes. On va dire Süeür, mais c’est juste du copinage, c’est parce qu’ils répètent comme nous au studio Zebra à Aubervilliers. Mais en vrai on n’a pas encore écouté et on les croise pas souvent, ils répètent le lundi alors que nous notre créneau, c’est le vendredi.
Yoga ou grosse muscu ?
Oh, les muscles, ça va, ça vient… Avec le confinement, ils sont plutôt partis d’ailleurs. Le yoga par contre ne nous est jamais venu.
Quelque chose à ajouter ?
On vend des slips sérigraphiés et notre CD avec le livret avec les paroles si ça intéresse quelqu’un. Ça va nous fait une petite trésorerie qui permet par exemple de racheter le sampler tout neuf que MC Vieillard vient de se faire chourer.
Maeva Gourbeyre ⎮ 22.09.2020
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