Yandy Graffer, de son vrai nom Abraham Portocarrero, nous a chaleureusement accueillie dans son atelier au Fort Superposition à Lyon. Dans sa petite bulle au milieu de ses œuvres d’une vivacité très particulière, il a pu nous raconté comment il s’est adonné, depuis tout petit, à son art d’une expressivité éminemment personnelle.
L’histoire commence en 1992, lorsque Yandy naît à Lima, la capitale péruvienne qui longe la côte pacifique ouest. L’artiste y connaît une enfance bercée par la tradition des pêcheurs, notamment de par son grand-père, ce qui marquera une perpétuelle source d’inspiration pour son travail. Sur un air de reggaeton endiablé, il parcourt les rues de sa ville adorée, explore et s’imprègne du street art, milieu très ouvert au partage des techniques, où il a la chance de croiser le chemin de diverses personnalités de l’art urbain péruvien qui le guideront vers l’affirmation de son identité picturale.
En 2007, il commence à graffer illégalement à l’aérosol, exploitant le terrain de jeu et les possibilités innombrables que lui offrent les supports de la rue. Ensemble, les street artistes défendent leur passion, alors suivis par les mairies et quartiers qui développent des projets de street art et rassemblent de nombreux artistes d’Amérique latine.
Cette période va marquer le début de la carrière de l’artiste qui pourra réaliser de nombreuses fresques et repousser les limites de son art.
Yandy bouillonne, bercé par un brassage permanent et ossillant entre ses nombreuses inspirations latino-américaines. Son art apparaît comme un hybride des ambiances urbaines auxquelles il a pu goûter. Malgré son esprit libre et fougueux, Yandy va rechercher une directive picturale plus stricte, qu’il trouvera lors de ses études aux Beaux-Arts de Lima, notamment au travers de la technique du stylographe. Son cursus impulsera en lui une énergie nouvelle et le guidera vers son style, une identité qui se traduira par un travail inspiré de son monde purement onirique. Il continue alors ses fresques mais se tourne également vers le travail en atelier, notamment de par ses travaux sur toile et sur bois. Il joue de ses volumes et les superpose, la 3D donnant une dimension encore plus aérienne à son travail qu’il suspend à l’aide de fil de pêche. Il s’initie à l’acrylique et affirme son style en créant un rappel de trois couleurs dominantes dans ses oeuvres, les acidifiant alors : le turquoise, le jaune et le vert citron.
Il sort de son corps et nous offre un univers onirique et instinctif, reprenant le folklore péruvien qu’il explore au travers de ses souvenirs. Il parle aux enfants de par ses couleurs joyeuses et le monde féérique qu’il leur offre, ses créations racontent des histoires fantastiques. Son rapport à l’enfance est omniprésent dans son travail, de par ses petits personnages renvoyant l’artiste à la naissance de sa fille et au travers de ses innombrables représentations du monde marin, se référant à ses propres souvenirs. Il participe alors à une trentaine d’événements et obtient en 2015 le second prix du concours national « Los Paredes Hablan » (Les Murs Parlent) à Lima.
Intrigué et inspiré par la culture européenne, il s’installe à Lyon et en moins d’un an, il aura l’opportunité de réaliser quatre expositions individuelles, de collaborer à deux expositions collectives et de réaliser plusieurs murs.
Il fait aujourd’hui partie de l’association Superposition, qui vise à promouvoir l’art urbain lyonnais, notamment dans l’accompagnement d’artistes émergents. Suite à la réalisation de son œuvre “La creacion de los rectiles”, il explique à l’association :
« Mon travail part de la volonté d’idéaliser la formation de l’univers avant la genèse. De cette manière, mon œuvre propose une réflexion sur les origines de la vie avant la création et la porte à une célébration du cycle de la vie. Dans mon univers, au commencement il y avait donc le ‘poisson-fruit’, puis nous entrons dans une belle évolution dans laquelle nous devenons amphibiens, puis reptiles. J’ajoute à mes personnages des accessoires tape à l'œil, très 70’s, pour rappeler l’importance de la culture américaine dans mon travail. »
La magie qu’il met dans nos iris ne peut être facilement saisie. Jouant des matières en lévitation et des contours aux traits ondulatoires, l’artiste cherche à stimuler un ressenti hors du temps et de l’espace. Ses concepts sont à retrouver lors de ses nombreuses expositions à venir (pour l’instant suspendues) à Lyon, comme à Paris ou Bordeaux.
Rendez-vous à la fin du confinement pour l’exposition Superposition collective Capsule de noël qui se tiendra dans le centre ville lyonnais !
Louise Levallois I 28.11.2020
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