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Sébastien Guérive : le plasticien du son

Il y a les musiques qui s’écoutent et il y a celles qui transposent, qui définissent à elles seules un autre univers. Avec ses compositions aux notes abruptes et texturées, comme taillées dans la pierre : Sébastien Guérive mérite son titre de “plasticien du son”. À l’approche de la sortie de son album Oméga Point le 19 mars prochain nous avons eu le plaisir d’échanger avec lui.

© Thomas Blanchard

De ses influences qui s’étirent de la musique classique aux classiques de la science-fiction, le nantais crée des univers musicaux qui semblent prendre vie en 3 dimensions. Avec finesse, le son devient matière et se métamorphose en une poésie bouleversante de mystères… C’est un coup de cœur.

La musique électronique a, quant à elle, cette possibilité de transformer les choses. Le timbre d’un instrument tel qu’on le connaît peut être totalement modifié et c’est là que le compositeur devient alchimiste

Hello Sébastien, ton parcours musical commence au conservatoire avec un violoncelle et se poursuit aujourd’hui avec la MAO (musique assistée par ordinateur). Quel a été ton cheminement ?


Effectivement, j’ai commencé la musique au conservatoire à l’âge de 5 ans avec le violoncelle puis vers 16 ans, j’ai rencontré des amis qui jouaient de la batterie, de la guitare… Assez rapidement j’ai fini par jouer du violoncelle dans des groupes de rock et ça m’a permis de découvrir de nouveaux process d’enregistrement. Vers 19 ans, je me suis beaucoup intéressé aux techniques de production de la musique, au départ pour bidouiller mon violoncelle et puis petit à petit en y ajoutant des synthés etc.


On te présente comme un plasticien du son, dans quel sens le son est-il une matière pour toi et comment exploites-tu cette vision dans ton travail ?


On parle souvent de notes, d’harmonies ou d’écriture rythmique ce qui revient au côté assez “solfège” de la musique. La musique électronique a quant à elle cette possibilité de transformer les choses. Le timbre d’un instrument tel qu’on le connaît peut être totalement modifié et c’est là que le compositeur devient alchimiste. Je déforme, je module, j’assemble des strates… c’est là où l’assimilation aux arts plastiques se révèle. D’ailleurs les artistes comme Bjork qui ont amené tout ce travail de recherche sur les sons m’ont toujours autant fasciné qu’une belle mélodie écrite selon les codes.

L’ambient permet de prendre le temps de développer des choses, des climats instrumentaux. Ça rejoint assez les B.O de films et la liberté de composition inhérente à ce genre

Du coup, la composition façon alchimiste, comment ça marche ?


Je pars souvent d’une sélection de sons composés en amont avec mes machines puis avec le clavier je commence à jouer les choses en modulant selon la manière dont les sons réagissent entre eux. Après, il est vrai que je referme de plus en plus le champs des possibles pour éviter de trop m’y perdre et de me tenir à une ligne de conduite du genre qu’on appelle “ambient” ou “electronica”.


Qu’est-ce qui t’attire dans l’ambient ?


L’ambient permet de prendre le temps de développer des choses, des climats instrumentaux. Ça rejoint assez les B.O de films et la liberté de composition inhérente à ce genre. Et puis cette liberté au final me permet de me surprendre moi même et m’empêche de retomber dans des formes de composition que je sais déjà faire ou que j’ai déjà entendu.


Zaurak, Nashira, Menkalinan…les titres de tes morceaux évoquent justement des contrées inexplorées, des galaxies lointaines dignes du genre SF. Quelle était l’idée ?


Le titre Omega Point évoque l’idée du point ultime de l’univers, celui le plus éloigné en expansion donc il y a effectivement cette notion de voyage presque galactique dans tout l’album. D’ailleurs, la science-fiction, la métaphysique, la mécanique quantique sont des sujets qui m’intriguent beaucoup et dans lesquels je puise mon inspiration. En fait, j’aime l’idée que ces thèmes puissent repousser les limites de ce qu’on sait déjà et mon travail artistique se base en grande partie sur ce désir d’exploration.


Certains morceaux ont des teintes assez sombres et d’autres sont beaucoup plus lumineux. Tes émotions guident-elles beaucoup ta création ?


Oui, forcément. Nos états d’esprit évoluent et c’est ça qui permet d’aller chercher telle ou telle couleur. Pour autant je ne me laisse jamais vraiment trop tirer vers une émotion, j’aime beaucoup le contraste et le fait que le côté sombre et le côté lumineux cohabitent.

Je suis très sensible au travail de musique à l’image et avec l’expérience, je cerne plus facilement où je veux aller.

Tu as récemment sorti le clip de Omega II et je dois dire que j’étais bluffée et émue par tant de finesse et de beauté. Quelle est l’histoire de ce clip ?


Je suis très sensible au travail de musique à l’image et avec l’expérience, je cerne plus facilement où je veux aller. Je connaissais le travail de Thomas Blanchard et donc sa capacité à produire ce type d’image. Il a choisi lui-même la musique sur laquelle il souhaitait travailler donc c’est une véritable collaboration et je pense que nos deux univers ont bien fusionné.


On évoque beaucoup ton attrait pour le cinéma et l’esthétique visuelle, est-ce que tu peux nous citer tes films référence ?


2001 l'odyssée de l’espace de Stanley Kubrick est pour moi une pièce maîtresse. Récemment j’ai trouvé que Blade Runner était plutôt bien réussi également… Premier contact avec d’ailleurs un compositeur qui m’inspire beaucoup : Johann Johannson, les univers de David Lynch

© Anick Guérive & Sébastien Guérive

Quels sont tes projets pour faire vivre cet album et pour la suite de ta carrière ?


L’ambient et l’electronica sont encore assez méconnus en France donc en fait l’album est en train d’éclore un peu partout dans le monde sans que la France soit le point d’ancrage. Nous avons également été approché avec Thomas pour prendre part à une exposition à New-York. Par la suite, j’aimerais beaucoup pouvoir composer pour le cinéma et même si c’est un milieu assez fermé, les choses sont en bonne voie !


D’ici la sortie d’Omega Point, le clip d’Omega II - récemment primé à Los Angeles et New-York - est à apprécier sans modération et le titre Bellatrix est à découvrir en avant première sur Apple Music.


 

Manon Cosson I le 04.03.2021


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