L’artiste multiplie les combats. Thérèse sort son deuxième titre en prévision de son premier EP en solo. Rencontre avec une femme noyée dans une génération militante, qui se bat pour ses idées.

Musicienne, styliste, activiste... Thérèse est sur tous les fronts.
Thérèse : Dans quel monde j’ai envie de vivre ? Pour moi, toutes ces activités se complètent. Ça demande beaucoup de temps, mais finalement je défends la même chose dans tout. C’est cette idée du collectif, de la diversité, et d’universalisme que ce soit la musique, la mode, ou le militantisme.
Après un premier titre T.O.X.I.C sorti en juillet, Thérèse attaque fort avec Chinoise ?. La musique hip-hop démonte les clichés dont sont victimes les populations asiatiques.
Pour le deuxième morceau de son premier EP en solo, la chanteuse mise sur un mélange pop - électro, aux douces sonorités asiatiques. Ce côté cosmopolite se retrouve dans les paroles. Avec un panel de 7 langues, « Chinoise ? » parle à toute cette génération qui lutte pour ses droits.
La chanteuse utilise sa visibilité sur les réseaux sociaux pour mobiliser sa communauté autour de différentes thématiques qui lui tiennent à cœur. Porte parole d’une génération, Thérèse partage ce qu’elle vit dans son quotidien, ce qu’elle voit de celui des autres autour d'elle.
Le début d’un combat musical
Si ses études en école de commerce ne la comblent pas de bonheur, la chanteuse sait qu’elles restent un bon tremplin pour s’exprimer.
Thérèse : Tu paies ton diplôme pour aller picoler et dans des associations avec tes potes en gros. Mais mine de rien, ces associations dans les écoles où il y a des sous, c’est quand même pas mal.
C’est à son arrivée en école de commerce que sa passion pour la musique prend sens. La jeune Présidente du Bureau des Arts profite de ce cadre pour mettre un pied sur scène. De ses prestations à « L’imprévu » tous les samedis pendant 2 ans, en passant par un burn-out, à son duo La Vague et deux EP, Thérèse s’épanouit en solo depuis le premier confinement.
Thérèse est un projet né d’une remise en question pour l’artiste.
Thérèse : Je me rendais compte qu’il y avait un peu de moi et un peu de moi, mais que je n’arrivais pas à m’exprimer pleinement. Or, j’ai envie de dire que ce que j’ai envie de raconter à travers mes activités, parce que j’en ai plusieurs, c’est assez entier. Et tu ne peux pas dire « Je suis un peu antiraciste. » C’est dur de faire les choses en demi-teinte.
Elle ne regrette rien des trois ans passés avec La Vague. La chanteuse a fait le pari de réussir en solo.
« On ne sait pas combien de temps on va vivre. L’industrie de la musique s’écroule. Il faut que je sois contente de ce que je suis en train de faire, même si c’est pour trois personnes. Mais il faut que je sois entière. Thérèse est née comme ça. »
Après seulement quelques mois et deux singles, Thérèse est déjà finaliste pour le Prix Société Pernod Ricard France Live Music 2021. Entre plusieurs représentations à La Gaîté Lyrique, un accompagnement dans une tournée de 10 dates, et 15 000€ d’aide de développement sur son projet, la chanteuse semble être en bonne voie. « Si les gens peuvent continuer à partager autour de ce projet, et à aller voter, je vous dis mille fois merci d’avance. »

Si le français et le mandarin priment sur le reste des autres langues, la musique utilise aussi des langues caricaturales asiatiques, ou encore l’arabe, pour dénoncer les clichés dont elle et sa communauté sont victimes.
Thérèse : Toutes ces langues-là, c’est soit des langues qu’on m’a étiquetées, soit des langues que je me suis appropriées. Ce que j’ai envie de montrer à travers cette chanson, c’est que ma culture ce n’est pas une culture, mais des cultures. La culture des gens en général, c’est quelque chose de complexe et de multiple.
La chanteuse qui a grandi baignée dans un mélange socio-culturel reflète la mixité dans son titre. Une représentation large qui lui vaut le statut de musique internationale pour 6 secondes de paroles françaises manquantes.
Thérèse : Vu que je dis plein de mots qui sont empruntés à des langues étrangères, l’industrie de la musique considère aujourd’hui que ça n’est pas de la langue française, alors que c’est aussi une façon de parler qui a évolué. Et de dire « My name is Thérèse », enfin, je pense que tout le monde le comprend. Je ne dis pas que c’est du racisme, mais c’est justement à l’image de beaucoup de choses aujourd’hui. C’est-à-dire qu’on ne remet pas en question ce qu’est la France.
Moi ce qui me constitue c’est tout ça. Mes parents, ça se voit pas à ma tête, mais ils ont tenu une boutique d’alimentation générale afro, antillaise, et asiatique presque toute leur vie. Donc moi, j’ai passé ma life à vendre des tissages, des mèches, à manger à la maison des aubergines africaines. On ne peut pas résumer les gens à leurs faciès.

Ce ras le bol du racisme ordinaire, du harcèlement de rue appelle à réfléchir à la question de l’identité et de l’union. Thérèse : Le vrai combat n’est pas un combat intercommunautaire, c’est un combat des gens qui ont envie de vivre-ensemble, contre les gens qui n’ont pas envie. J’ai un besoin de me sentir engagée dans la société. Ça, c’est quelque chose que les gens ne doivent pas oublier, mais que la société a tendance à vouloir effacer, c’est qu’on fait partie d’un tout.
Thérèse démonte les clichés
Depuis le début de son aventure en solo, la chanteuse a pour vocation d'assumer complètement ses idéologies. La crise sanitaire n’a pas aidé. Entre amalgames et stéréotypes, Thérèse a de quoi faire. Remise au goût du jour, Chinoise ? s’adapte à l’actualité.
Thérèse : J’ai repensé à toutes les interviews que je venais de faire, qui m'avaient vraiment démonté la gueule. J’avais reçu tellement de témoignages. Tu fais une interview, si elle tourne un petit peu, ce qui est génial, ça libère la parole pour des personnes qui se sentent seules, des victimes. Mais ça veut aussi dire que tu endosses cette espèce de responsabilité, pas forcément voulue, de gens qui viennent se livrer à toi. Et moi, je suis un putain de cœur tout mou. Je reçois ces messages, je suis en PLS , je pleure dans mon lit.
La musique écrite en anglais à l’origine s’adresse aux asiatiques, comme à toutes communautés qui se reconnaissent dans son quotidien. Difficile de ne pas penser au scandale des Ouïghours avec une musique qui parle de la Chine. Thérèse se mobilise à son échelle.
Thérèse : Ça ne suffit pas d’être contre aujourd’hui. Il y a beaucoup de gens qui sont contre, et militent avec un carré bleu sur Instagram... *Pause* Il y a des gens qui le font, c’est une chose, c’est déjà ça. Ça veut dire qu’il y a une première étape de franchie, celle de la sensibilisation. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Est-ce qu’on passe à l’étape 2 ou on continue de taper sur la Chine ?

Thérèse n’est pas parfaite, mais faire un peu, c’est faire beaucoup. Les marques liées au scandale se trouvent pour beaucoup dans notre salon ou notre dressing. Les actes du gouvernement chinois ont souvent des répercussions sur la communauté asiatique.
Thérèse : Mais putain les gars, ce que le gouvernement chinois fait, moi j’ai rien à voir avec ça. Les Ouïghours, ce n’est pas moi qui les exploite, enfin pas directement. Il y a une espèce d’hypocrisie, déjà de la part des consommateurs qui consomment les produits, mais aussi de ne pas se rendre compte qu’il y a un trafic d’organes autour des Ouïghours. Ça, c’est affreux.
Un manque de représentation asiatique dans la culture
Thérèse, elle-même d’origine asiatique, a souffert d’un manque de représentation dans ses souvenirs d’enfance. Alors il y a bien eu Lucy Liu, qui interprétait Ling Woo dans Ally McBeal. « C’était une caricature. Mais au moins, c’était une femme forte, pas une espèce de soumise, donc c’était cool ». Même si Thérèse a pu forger son identité et s’identifier à des « femmes badasses » comme Rihanna, Lauryn Hill, aux Spice Girls, mais aussi à des hommes qui « écrivaient bien », ce manque de représentation l’a poussée à une crise identitaire.
Thérèse : Je pense que l’identification en tant que femme est possible à travers d’autres couleurs de peau et d’autres sexes, ça n’est pas un problème. En revanche, quand tu ne peux pas t’identifier à quelqu’un qui est plus proche de toi, a posteriori, je me suis rendue compte que j’avais fait une espèce de crise identitaire. Et ça fait ressortir un sentiment de honte vis-à-vis de ta communauté. Ce n’est pas le fait d’aller vers, mais de se dire « Ma communauté n’est pas assez cool, pas assez bien, fun, sexy, talentueuse pour figurer dans les médias. »
C'est un combat à trois portes d’entrée pour la chanteuse : une inégalité permise par le système, un passé migratoire difficile, des injonctions culturelles trop lourdes.
Thérèse : Pour que ça change, il n’y a pas qu’un seul facteur. Ce sont les trois combinés qui pourront faire évoluer les choses, sinon ça ne marche pas en fait.
Je n’ai pas à me plaindre. Sans le premier confinement, il n’y aurait pas eu de projet.
Thérèse prépare la suite. Pour son anniversaire, en mars, la chanteuse se fait un cadeau peu commun : son premier EP en solo. Pour continuer de suivre l’artiste dans son monde, le clip de Chinoise ? devrait sortir dans les semaines à venir... Mais aussi un feat avec un ami de la chanteuse, le rappeur lillois Lexa Large, sur le thème des « sites de rencontre 2.0 ». Et bien d’autres projets dans lesquels Thérèse investit tout son temps. Elle prend l’initiative de créer sa table ronde pour aider les artistes « invisibilisés ». Une bonne année 2021 en perspective pour Thérèse !
Infos pratiques :
Pour en découvrir d’avantage sur Thérèse et la soutenir dans son projet musical, n’oubliez pas de voter pour le Prix Société Pernod Ricard France Live Music 2021. Les urnes sont ouvertes jusqu’au 18 janvier minuit, et vous n’avez qu’un clic à faire !
Instagram I Youtube I Soutenir Thérèse pour le Prix RLM 2021
Nolwenn Le Deuc I 08.01.2021