Sa voix douce résonne dans une atmosphère sombre. Tuva Hellum Marschhäuser, a.k.a Tuvaband, chante ses émotions dans un univers musical mélancolique. L’artiste sort un nouvel album, Growing Pains & Pleasures, le 21 mai. Elle aimerait « avoir le plaisir de jouer en France pour la première fois, en 2021. »
Pourquoi as-tu choisi Tuvaband comme nom d’artiste ?
Il y a un comédien et orchestre solo en Norvège, Only Egil Band (en norvégien), que je trouvais drôle étant enfant. Quand j’ai commencé à chanter et à faire de la musique, je me suis mise à jouer avec deux gars que je connaissais grâce à mes études. J’ai dit à tout le monde que j’étais dans un groupe. Il s’est avéré que cette chose que nous faisions s’appelait « jamming ». Alors, plus tard, j’ai dit à mes amis (comme une blague) que j’étais Tuvaband, assise seule en train de faire de la musique dans ma chambre.
Quelle est ta relation à la musique ?
Depuis que je suis enfant je m’intéresse beaucoup à la musique, mais seulement en l’écoutant et en allant à des concerts. J’ai grandi en écoutant Aretha Franklin, No Doubt, Eminem, Limp Bizkit, Blink 182 et Avril Lavigne. J’ai appris à jouer des accords à la guitare quand j’avais 13 ans, mais j’ai trouvé ça très ennuyeux donc j’ai arrêté de jouer. J’ai découvert la musique indépendante à 15 ans, en regardant l’émission The O.C. Même si je ne jouais pas moi-même, j’ai toujours écrit des paroles en anglais.
A quel âge as-tu commencé à chanter ?
Je faisais beaucoup de sons étranges, des « chants masculins », comme je les appelais,
pendant plusieurs années. Un jour, mes colocataires m’ont demandé de changer ces sons gênants en chants plus mélodieux, parce qu’ils ne pouvaient plus les supporter. Ils m’ont « piégée » avec un des gars dont je parlais tout à l’heure (que je connaissais de mes études), et m’ont fait chanter avec lui. Ce soir-là, j’ai chanté avec ma voix naturelle. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai eu l’impression d’avoir un énorme crush. Je savais que je n’étais pas amoureuse de ce garçon, et que cela avait à voir avec le chant. Ainsi, après cette nuit-là, j’ai commencé à chanter. J’ai emprunté une guitare et utilisé mes vieilles paroles pour commencer à faire des chansons. C’était le meilleur sentiment que j’aie jamais eu de ma vie. J’avais 21-22 ans.
Quand as-tu commencé à sortir des morceaux ?
J’ai sorti des mixes faits dans ma chambre sur Soundcloud en 2015, dont Unknown, la première musique que j’ai sortie sur Spotify (un an plus tard). Je les ai tous enlevés lorsque j’ai rencontré un guitariste. Nous avons décidé de réenregistrer Unknown avec un meilleur équipement et lui jouant de la guitare à ma place.
Qu’est-ce qui t’inspire ?
Je pense que j’ai été plus inspirée par différents types de sons et de productions que par l’écriture de chansons. Quand j’ai commencé à enregistrer avec un meilleur équipement, le but était toujours de garder le son brut dans mes brouillons. J’ai trouvé les idées pour des albums grâce à ce type de sons très inspirants. Plus tard, j’ai commencé à inclure plus d’instruments comme la basse et la batterie. J’ai fait différentes playlists qui comprennent chacune un style d’inspiration. Une playlist pour la batterie, une pour le son, et une pour les chansons que je trouve accrocheuses.
Le coronavirus a-t-il eu un impact sur l’écriture de tes chansons ?
Pas sur le prochain album. Je l’ai terminé juste quand le coronavirus a frappé l’Europe. Mon prochain single du nouvel album s’appelle Post Isolation, mais cet isolement était volontaire, pour travailler sur la musique. Mais je pense que certains effets de l’isolement dont je parle dans ma musique pourraient être proches de ceux que les gens ressentent après l’isolement dû à la Covid-19. Par contre, l’écriture de l’album sur lequel j’ai travaillé en 2020 a été impacté par le coronavirus.
Pourquoi as-tu écrit « musique pour tes funérailles » dans ta biographie Instagram ? Qu’est-ce que cela signifie ?
J’ai écrit ça il y a quelques années, quand mes paroles étaient principalement des chansons pessimistes au sujet de notre futur sur cette planète, et je n’avais pas sorti une seule chanson positive. J’ai laissé cette phrase parce que je pense que ma musique est encore assez sombre pour aller avec un enterrement, même si les paroles couvrent plus de thèmes aujourd’hui.
D’où vient ton univers ? De quoi se compose-t-il ?
J’aime beaucoup la musique mélancolique, donc c’était naturel pour moi d’aller dans ce sens. Je trouve ça exaltant. C’est la même chose avec les films ; mes préférés sont les
films d’horreur, les films sombres, ceux qui me font pleurer. En même temps, je me sens comme une personne très positive et satisfaite. Je ne pense pas avoir un très bon filtre sur ce que je reçois de l’extérieur ; il y a donc beaucoup de grandes émotions, bonnes et mauvaises. Et c’est ok, comme j’ai choisi de mettre les émotions négatives dans la musique, et garder les émotions positives en moi. À la fois écouter et faire de la musique est un bon exutoire pour des émotions difficiles ; et j’espère que ma musique pourrait être un bon exutoire pour d’autres que moi.
A ses débuts, Tuvaband était un duo [avec Simon Would, NDLR]. Puis il est devenu un nom d’artiste solo pour toi, Tuva. Depuis quand n’est-ce plus un duo et pourquoi ?
Quand on a su que j’allais déménager à Berlin en 2018, on pensait qu’on allait continuer
à jouer ensemble. Mais les mois avant que je déménage, on a déjà remarqué qu’on était en train de prendre des directions différentes, musicalement parlant. Nous étions d’accord que la musique ne serait pas géniale avec plus de compromis. Alors, aucun de nous deux ne l’aimerait à 100%. Et heureusement, nous avons eu ce ressenti tous les deux.
En mai, tu sors un nouvel album, Growing Pains & Pleasures. Qu’est-ce que ça raconte ?
Mon dernier album parlait beaucoup d’isolement, tandis que Growing Pains & Pleasures parle de ce qui vient après l’isolement, de tout ce qui peut changer à l’intérieur et à l’extérieur de soi. Il s’agit à la fois de combattre et d’accepter le changement, et les sentiments de peur lorsqu’on sort d’une bulle confortable. Il s’agit également d’essayer de changer de point de vue, cesser de regarder à l’intérieur de soi pour regarder dehors ; voir les autres et le monde. Réaliser qu’être égocentrique peut aussi renforcer les difficultés mentales, plutôt que les guérir réellement.
Comment cet album a-t-il été créé ?
J’ai travaillé sur les ébauches, les démos, pour les rapprocher le plus possible de la manière dont je voulais qu’elles sonnent. J’ai fait ça pour que les musiciens qui devaient réenregistrer les sons sachent exactement ce que je veux. J’ai programmé des drums, aussi les drum fills, même si je n’avais pas beaucoup d’expérience. Quand j’ai fini, le propriétaire du studio, Kenneth Ishak qui allait aussi être le batteur, a dit qu’il trouvait ça charmant et que ce serait cool de jouer par-dessus les démos, pour garder le son de démo brut. Lui et Håkon Brunborg Kjenstad (un des musiciens jouant sur le disque) m’ont demandé pourquoi je voulais remplacer la guitare et les synthés alors que ça sonnait déjà bien.
Ils m’ont donné la confiance de garder la plupart de ce que j’avais déjà enregistré. Eskild Myrvol jouait de la nouvelle basse enregistrée, mais j’ai aussi gardé certains de mes enregistrements de basse, que j’avais faits sur les cordes de basse de ma guitare. Peut-être que j’ai l’air de me vanter, et je le fais probablement, mais je suis tellement fière de cet album ! Je n’aurais jamais pu imaginer, il y a deux ans, que je pourrais être capable de faire ça.
Comment le décrirais-tu ?
Je voulais que ça sonne comme si Feist avait fait un album avec My Bloody Valentine, et que Danger Mouse and Sparkle Horse (qui ont produit l’album The Dark Night Of The Soul)
le produisait.
C’est quoi la suite ?
J’espère avoir la chance de jouer l’album en direct, sur scène, pas seulement sur un live stream, mais sur une tournée plus longue. J’espère avoir le plaisir de jouer en France pour la première fois, en 2021. Mais d’abord la sortie complète de l’album, le 21 mai !
Nolwenn Tournoux ⎮ 17/02/2020
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