Le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (FIFIB) est de retour du 18 au 23 octobre. En plus de la prestigieuse compétition internationale, le dispositif d’aide à la création a été renforcé cette année. L’occasion pour Feather de papoter avec Johanna Caraire, cofondatrice du festival, directrice générale et membre du Comité de programmation.
Pour le spectateur, c’est aussi l’occasion de voir des films qui sortent de l’ordinaire et de mettre en lumière des talents
La compétition contrebande est en quelque sorte le joyau du FIFIB, est-ce que c’est d’autant plus important aujourd’hui ?
Effectivement, cette catégorie est importante depuis toujours mais encore plus en ce moment compte tenu de la crise qui touche le cinéma et le monde de la culture globalement. Il y a beaucoup moins de moyens et de financements et c’est devenu extrêmement dur de faire des films. Aujourd’hui, il faut compter au moins trois ans de processus pour financer un court métrage et entre sept à dix ans pour un long-métrage. Et encore, si l’on trouve un producteur. D’autant que le système de commissions, qui demande de reformater le projet artistiquement, fait que les films se ressemblent de plus en plus.
Donc le fait de pouvoir réaliser des films indépendants sans passer par le système de commission habituel, c’est très vertueux pour la diversité artistique. Pour le spectateur, c’est aussi l’occasion de voir des films qui sortent de l’ordinaire et de mettre en lumière des talents.
© Crédits photos (à droite : Johanna Caraire) : Aurélien Stocco
Cette liberté de ton qu’After a pu avoir, c’est précisément grâce à ce mode de financement indépendant
Vous avez donc fait la sélection 2023 en ayant ces éléments en tête ?
Évidemment nos goûts ont joué dans la sélection mais aussi le souhait de montrer des cinématographies différentes. On s’est dit “ça, on aime mais ce n’est pas forcément notre cam, esthétiquement on n’a pas trop l’habitude mais il y a un vrai projet artistique derrière”.
Cette année on a par exemple sélectionné le film After. Je trouve que l’équipe a réussi à faire quelque chose de vraiment différent des films financés. Toutes les scènes de danse et de fête sont souvent ratées dans les films alors que là, ils ont une manière de filmer la nuit vraiment différente. Ce film le fait de manière brillante et organique, avec une dimension sociale à côté. Cette liberté de ton qu’After a pu avoir, c’est précisément grâce à ce mode de financement indépendant. Il n’aurait pas pu être financé dans le système traditionnel, d’autant que ce sont des fêtes illégales qui ont été filmées et ça aurait été impossible sans indépendance.
© Crédits photos (Cour Mably) : Aurélien Stocco
Un dispositif dont vous êtes fier.es au FIFIB cette année ?
Le Nouvelle-Aquitaine Film Workout, sans hésitation. C’est une aide à la postproduction, c’est extraordinaire la chance qu’on a de pouvoir offrir cette aide avec le jury qu’on a. C’est un dispositif unique en France. C’est hyper fort parce qu’il y a plein de films qui se font avec peu de moyens, qui arrivent au moment de la post-prod et qui ne peuvent plus se finir par manque d’argent. Ce dispositif complète vraiment Contrebande.
Nous, on n’a pas peur des polémiques et des films qui ne disent pas aux spectateurs que tout va bien
Est-ce que vous avez eu un regard particulier sur la programmation globale cette année ?
Cette année, je dirai qu’on a eu un regard plus politique. On a eu envie de mettre en avant des films qui clivent. On sait qu’il y a des films qui ne sont pas forcément sélectionnés en festival par une sorte de lissage des genres. Nous, on n’a pas peur des polémiques et des films qui ne disent pas aux spectateurs que tout va bien. Un silence de Joachim Lafosse en est l’exemple parfait : c’est une critique de la bourgeoisie et des gens de pouvoir protégés par un système établi. Ce film peut faire peur car il dit les choses frontalement mais on l’a choisi car on voulait sortir des sentiers battus. Ça reste une œuvre, on peut toujours en discuter, et c’est d’ailleurs le but. On peut dire qu’on a eu un goût du risque affirmé cette année.
© Crédit photo : Nicolas Fontas
Infos pratiques :
XIIème édition du Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (FIFIB)
Du 18 au 23 octobre 2023
Lieux : Cinéma Utopia, Cinéma UGC Ciné Cité Bordeaux Gambetta, CAPC - Arc en rêve, Village Mably (Cour Mably)
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Zeina Kovacs I 15.10.2023
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