Si vous vous rappelez facilement des concerts Relâche qui vous ont marqué, celui-ci en était peut-être un. Le 15 Juin 2018, place Fernand Lafargue à 20h30, débutait sur scène Lonesome Shack, groupe de rock américain aux forts accents blues. Une voix très marquée, des chansons absolument géniales, le chanteur du groupe Ben Todd fait danser les curieux ! Mais pratiquement deux ans plus tard, une pandémie que l'on attend pas, un virus qui met la pagaille à tous les niveaux de manière internationale, et voici Ben en solo chez lui (à Londres) qui enregistre des morceaux en toute simplicité, pour un résultat fort agréable : l'album Arrival of Love.
Arrival of Love (à écouter ici) possède 11 chansons intimistes, un combo guitare-voix aussi simple que percutant. Une plongée dans ce qu'il y a de plus brut dans le blues, des paroles touchantes, des riffs superbement orchestrés et une voix joliment habitée.
Le premier titre, "Unforgettable" est l'une des meilleures entrées en matière : tout est doux, tout s'accorde parfaitement, et cette guitare qui crie calmement, qui résonne, à la fois mystérieuse et estivale, nous rappelle tout ce que l'on aime dans le blues.
Ben nous conte ses histoires, ses aventures, comme les anciens le font, avec un petit sourire en coin et ce qu'il faut de roublardise, comme dans "Old Friend". On s'imagine alors aisément au coin d'un feu, ou dans un désert, à l'écoute de "Past Life" ou du titre éponyme "Arrival Of Love".
"No End" rappelle de loin ce que peut faire M. Ward depuis de longues années.
"Happy Valley" ou "The Punch Line" sont dans cette même veine, quelque chose de presque fantastique se passe à l'écoute de l'enchaînement de si jolies chansons.
Comme il le dit lui-même, ce type d'enregistrement maison, où seules la voix et la guitare cohabitent, donne un cachet très particulier à l'ambiance ressentie, qui aurait été totalement différente durant un enregistrement studio. Ici, l'esprit du blues, la magie de la captation et les petites imperfections, mêlées aux bruits de fond plus urbains, d'un background londonien (un train qui passe, des sirènes, le chant des oiseaux), donne un résultat d'une superbe qualité musicale et d'une sincérité rare en ces temps.
Bonjour Ben, peux-tu te présenter ?
Salut Sylvain ! Je m'appelle Ben Todd et je suis musicien, artiste et luthier. J'ai vécu à Londres ces 4 dernières années mais j'ai déménagé à San Diego récemment.
Nous t'avions croisé à Bordeaux il y a deux ans, lors d'une soirée Relâche, avec ton groupe Lonesome Shack, qu'as-tu pensé de Relâche et de ton petit séjour ici ?
C'était cool de te rencontrer à Relâche ! C'était incroyable et j'ai aimé la ville de Bordeaux. Je n'avais jamais joué dans un festival comme ça. On a joué sur une petite place qui s'est remplie petit à petit de personnes qui s'éclataient. C'est toujours fun de jouer en extérieur, d'autant plus avec l'architecture bordelaise qui est magnifique. J'étais triste de ne jouer qu'un soir, c'était le dernier concert de notre tournée à l'époque et nous sommes directement rentrés à Londres le lendemain. J'adorerais revenir et avoir plus de temps pour visiter.
Tu as écrit et enregistré ton premier album tout seul, était-ce durant le confinement ? Comment as-tu vécu ton confinement ? Dans quel cadre étais-tu ?
J'ai écris le plus gros de "Arrival of Love" juste avant le confinement et l'ai enregistré pendant le confinement, chez moi, avec mon smartphone. C'était un moyen de concentrer mon énergie dans un nouveau projet créatif. À Londres, nous étions autorisés à quitter la maison une fois par jour pour faire des courses ou du sport, en portant un masque et respectant les distances. À ce moment-là, j'ai dû fermer mon atelier de réparation de guitares et ma femme travaillait depuis chez nous. J'ai passé la plupart de mon temps enfermé dans notre petit appartement à l'Est de Londres. Dès le début du confinement, la ville entière était silencieuse. J'ai ainsi pu m'occuper en jouant de la musique, en cuisinant ou en faisant du ménage ! Derrière chez nous, il y avait un immense jardin d'où nous pouvons d'ailleurs entendre dans les chansons, le bruit des oiseaux en fond. En arrivant à San Diego par la suite, nous avons été mis en quarantaine pour 14 jours. Ce n'est pas la meilleure façon de voyager mais c'était comme ça !
Quel sentiment a fait émerger cette idée d'un album solo ? Qu'est ce que tu as voulu raconter avec cet album ?
"Arrival of Love" n'est pas vraiment dans la veine de ce que nous faisons avec Lonesome Shack, et mes potes du groupe vivent un peu partout sur le globe, donc la collaboration en ces temps de crise n'était pas aisée. Cet album me fait penser d'une certaine façon à l'un des premiers albums de Lonesome Shack, "Whiskey is what I Crave/Trying To Get Home", qui est aussi un album enregistré seul chez moi. L'album est disponible sur Bandcamp. "Arrival of Love" a un son un peu candide. Je l'ai enregistré sous mon propre nom car je sentais un changement de cap, quelque chose de nouveau, ou peut-être en fait un retour aux sources. J'ai toujours aimé les démos chez les musiciens, plus encore que les albums studio, j'aime les conditions dans lesquelles cela s'enregistre. Ces chansons sont très personnelles, inspirées par l'art, par Londres, ou par la mort récente de certains amis, mais aussi par l'amour, et les souvenirs que j’ai de grandir en tant qu'enfant dans une petite ville américaine du Northwest.
Comment l'album a t-il été reçu ?
L'accueil a été excellent. Je n'ai pas encore eu énormément de retours mais les gens semblent l'apprécier. Quelques jours après la sortie de l'album, nous avons vécu aux Etas-Unis l'assassinat brutal de Georges Floyd par des officiers de la Police de Minneapolis, entraînant dans le monde entier des manifestations contre les violences policières et le racisme systémique. J'ai laissé de côté les critiques de l'album pour me concentrer sur le mouvement anti-raciste. J'ai fait de la place pour plus de dialogue à ce propos, cela a eu une grosse importance. À cause du Covid-19, je ne peux pas jouer l'album en live et aucun label ne soutient ce projet solo, j'ai donc voulu partager cela d'une nouvelle façon. Bandcamp est vraiment intéressant pour les musiciens et les fans et je ne suis pas particulièrement intéressé par les réseaux sociaux et les plateformes live de musique,
Qu'est ce que tu écoutes ces derniers jours et quels sont tes classiques ?
Récemment, j'ai beaucoup écouté Karen Dalton, Shannon Lay, Jessica Pratt, et j'adore la musique du Sahel. Je suis très fan de ce que font les artistes de Tinariwen. Mon album préféré est Georgia Blues Today sur Flyright Records. Je réécoute toujours les débuts de John Lee Hooker, ou Robert Pete Williams, Captain Beefheart, Nick Drake, John Fahey, Ali Farka Touré.
Comment on grandit à Seattle quand on aime faire du blues ?
Je n'ai pas vraiment écouté du blues jusqu'à ce que je bouge à Albuquerque, au début de mes 20 ans. J'ai mis la main sur « Anthology of American Folk Music » d'Harry Smith, puis je suis tombé sur une vidéo de la fin des années 60 avec Son House et Bukka White. J'ai continué à creuser du côté de Alan Lomax et les compilations Yazoo Country Blues. À force, j'ai appris à jouer quelques chansons que j'aimais. Dix ans après, j'ai déménagé à Seattle et j'ai commencé à jouer sous le nom de Lonesome Shack.
Quels sont les futurs projets ? Un retour en France est-il d'actualité ?
J'ai envie d'écrire d'autres chansons pour faire un nouvel album et me concentrer un peu plus sur l'art visuel l'année prochaine. J'aurais du revenir en France cet été mais tous mes concerts ont été reportés à l'année prochaine à cause de la pandémie. Si tout va bien, je reviendrai en France en Juin et Juillet 2021.
Je te laisse le mot de la fin !
Merci pour votre temps et votre intérêt. Peace, Love, Black Lives Matter !!!
"Merci à Rhianna Rose pour la contribution !"
Sylvain Gourdon I 18.08.2020
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