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Ondes, ou la volonté de faire sonner les mots dans un univers aquatique

Le 30 septembre dernier, Ondes nous a fait le cadeau de sortir son premier EP. 6 titres, 2 associés, une multitude de métaphores aquatiques : presque 21 minutes de « nouvelle chanson française » dans les oreilles.

© Rafaelle Lorgeril

L’amer, c’est le nom du premier EP de l’auteur compositeur interprète et pianiste bordelais Ondes. Retraçant les différentes étapes d’une rupture (allant de la haine au regret tout en passant par la nostalgie), Ondes nous transporte dans son univers sous-marin envoutant. Un mix de classique, de rap et d’électro et vous plongez vers la vaporeuse « nouvelle chanson française » d’Ondes. En collaboration avec Haritza Driollet sur la composition, l’artiste joue avec les mots et nage dans l’interprétation pour être au plus près de ses émotions. Chez Feather, nous l’avons rencontré : on vous laisse vous immerger à votre tour dans son univers !


Hello Ondes ! Dis-moi, si tu devais choisir 3 mots pour te présenter, lesquels choisirais-tu ?

Je suis un artiste bordelais qui fait de la « nouvelle chanson française », enfin ; moi je l’appelle comme ça. Je suis à la fois auteur, compositeur, interprète sur mon projet et je suis aussi professeur de piano, ce qui m’aide à composer mes chansons. Ça fait déjà plus de trois mots, je vais m’arrêter là…

J’ai cherché pendant très longtemps un nom de scène car je suis un peu psychorigide sur les mots et je voulais trouver quelque chose qui puisse réellement me correspondre.

Pourquoi « Ondes » et qui se cache derrière ce pseudonyme ?

J’ai cherché pendant très longtemps un nom de scène car je suis un peu psychorigide sur les mots et je voulais trouver quelque chose qui puisse réellement me correspondre. Je savais une chose : mon nom de scène devait être ambivalent entre le masculin et le féminin parce que je me suis toujours considéré comme quelqu’un de très sensible. Je trouve que Ondes c’est à la fois la force de quelque chose qui avance et en même temps tout le côté sensible qui ressort. Pour moi, l’onde est toujours en mouvement donc ça représente aussi l’évolution. J’ai d’ailleurs mis un « S » à mon nom car je voulais rendre ces mouvements pluriels pour montrer que ce que je crée ne se fixe pas seulement sur un style de musique. En plus de ça, ce mot se réfère au thème aquatique et comme je suis très attaché à l’eau, je me dis que c’est parfait.


D’où te vient cette fascination pour le milieu aquatique ?

Ma mère vient du Pays Basque donc depuis tout petit, je lie les vacances et l’apaisement à l’eau même si paradoxalement j’ai mis très longtemps à apprendre à nager : j’avais une peur de l’eau profonde alors qu’en fait maintenant je vois vraiment l’océan comme une divinité, quelque chose qui nous englobe tous, qui nous met tous d’accord. Je trouve que c’est un peu la même ambivalence que pour « Ondes » entre la force, la fragilité et l’apaisement.

© Clément Billerot

Quelles sont tes influences artistiques : tu es plus sur du classique avec tes cours de piano ou du rap avec ton EP ?

C’est marrant parce que ça a commencé par du classique puisque j’ai d’abord chanté et appris le piano en classique. Puis j’ai eu envie de changer un peu car je composais et improvisais tellement au piano que je me détachais un peu des cours et des partitions. J’ai arrêté le piano et suis parti à Bordeaux pour mes études. Un peu avant, j’ai écouté un artiste qui m’a énormément influencé car il est à la fois dans le classique, le chant et à la fois dans une musique orchestrale, rythmique et électro : c’est Woodkid. Ça m’a tellement transcendé, je ne comprenais pas ce qu’il disait car il chante en anglais mais je trouvais ça juste sublime et j’en ai même pleuré d’émotion. Ensuite, à la fac, j’ai rencontré mon associé pour cet EP et c’est lui qui m’a ouvert au style trap, rap etc. Aujourd’hui, le seul rappeur que j’écoute et qui a influencé mon projet, c’est Lomepal même si je ne sais pas si le mot rappeur est adapté. Dans tous les cas, c'est pile la musique que je recherche : beaucoup de textes, des jeux de mots, du chant et tout le travail du texte que je trouve très intelligent, incroyable et très satisfaisant.


Ta musique, la nouvelle chanson française, c’est quoi ?

J’appelle ça la nouvelle chanson française parce que j’ai gardé les codes avec un refrain entêtant, des choses qui restent dans la tête, beaucoup de texte et de débits. Pour moi c’est pas du tout du rap : je prends des codes du rap que j’adore et je les mets dans ma chanson et c’est cette fusion qui fait la nouveauté. Je prends tout ce que j’aime et je fais un gloubi-boulga.


Sur tes prochains projets, tu souhaites garder ce style ou approfondir encore plus en allant chercher de nouveaux codes ?

Mon envie, c’est de faire des chansons qui me touchent en fonction de ce que je vis. Aujourd’hui, j’arrive à être satisfait de mon écriture donc je ne pense pas la changer. En revanche, ce qui pourrait changer ce serait ma manière de dire, de déclamer, pourquoi pas chanter beaucoup plus en voix de tête par exemple…


Ça t’apporte quoi la musique ?

J’ai trois grandes sœurs qui ont toutes fait de la musique tout comme ma mère. Il n’y a que mon papa qui, lui, fait du théâtre. Je vais te raconter une anecdote que j’ai toujours rêvé de dire en interview : quand j’étais dans le ventre de ma maman, elle chantait et à chacun de ses cours de chant, je me mettais à bouger. Sa prof de chant lui avait dit « un jour tu verras, ton enfant sera homme-orchestre ». C’est assez drôle avec du recul de voir à quel point ça m’a bercé. J’ai commencé la musique à 5 ans et les professeurs de piano ont directement dit que cet instrument serait le mien car il se passait quelque chose entre lui et moi. Suite à mon arrivée en spé musique à Bordeaux, j’ai vraiment pris conscience du bien que la musique me faisait. Parfois quand j’étais vraiment triste, j’essayais de m’auto hypnotiser en posant ma tête contre mon piano, et les vibrations m’apaisaient. Je crois vraiment aux ondes positives qu’envoie le piano et ça me fait me sentir bien.



Le maniement des mots, l’amour pour les figures de style, ça vient d’où ?

D’une part, mes parents sont tous les deux professeurs de français. D’une autre part, j’aime beaucoup faire rire et dans ma famille on a cette culture du rire : quand j’étais petit, mon oncle racontait des blagues que je ne comprenais pas mais qui faisaient rire tout le monde ; c’est là que je me suis intéressé aux blagues. En plus de ça, parfois j’entends mal les choses et mon oreille déforme automatiquement les paroles par associations d’idées. Je me nourris plus de stand-up que de musique tant je trouve qu’une bonne rime humoristique reste dans la tête grâce à l’image qu’elle véhicule. Pour moi c’est vraiment un jeu finalement ; et une volonté de bien faire sonner le français car on a une langue extrêmement compliquée donc c’est génial de pouvoir la faire chanter.


Sur les nombreuses métaphores aquatiques que tu utilises dans tes chansons, quelles sont tes trois préférées ?

« La seule chose qui me rende hors normes c’est ton cou mouillé et son odeur fine comme dans un rêve noyé d’hormones ça m’apaise et m’enivre à l’endorphine » - Envie : il y a odeur fine et endorphine qui sont aquatiques parce que j’imaginais les vapeurs sortir du corps.

« Je lance une bouteille à l’amer - tu - me diras quand elle arrivera » - L’amer : l’amer - tu - me qui forme l’amertume, celle-ci j’en suis très fier.

En fait, c’est très compliqué car dans mes textes j’essaie de ne pas aimer qu’un passage. Quand j’aime uniquement un passage, je me dis que l’autre n’est pas assez bien donc je réécris en privilégiant le tout. Pour moi, un texte bien fait est un texte où chaque couplet comporte une punchline marquante.


Quel est le morceau que tu préfères dans ton EP ?

Celui pour lequel je suis le plus fier, c’est l’amer car je l’ai composé seul. Pour les autres morceaux, il y a une co-composition, et c’est surtout Haritza Driollet qui a composé les chansons. Notre collaboration est née de cette chanson car je n’étais pas totalement satisfait, et il m’a aidé à ajuster à mon idée le morceau. Ça a tellement bien matché qu’on a poursuivi notre collaboration. Moi qui ne faisais que de la musique et qui n’avais jamais écrit, je me suis mis à écrire avec lui car je trouve que tout ce qu’il compose sonne directement très bien et très pro, ce qui n’est pas toujours mon cas.


© TylerRease

Avez-vous un rituel de travail ? Quel a été votre processus de création ?

Haritza m’a déjà dit qu’il ne ressent pas d’émotions en écoutant de la musique. A côté de ça, il a un esprit très mathématique, très ordonné, précis et clair. De mon côté, je pars dans tous les sens, dans les émotions donc quand on regroupe le tout, ça donne quelque chose de très émotionnel et en même temps très cadré. C’est pour ça que ça fonctionne bien. Quand j’avais des idées, je lui jouais une mélodie au piano puis je lui expliquais l’ambiance que j’imaginais avec des choses vaporeuses ou aquatiques par exemple. Lui, il créait puis il m’envoyait la maquette et je donnais mon avis. Mais nous n’avons pas de processus fixe, c’est vraiment du cas par cas. « Lucide » par exemple, il l’avait composée depuis très longtemps et moi, à la première écoute j’ai trouvé cette chanson incroyable, j’en ai pleuré et donc j’ai écrit dessus. « Décrire » a été co-conçue dès le départ et pour « Infinissable » j’avais un texte écrit lors d’une nuit puis Haritza m’a envoyé une chanson et ça m’a de suite plu, on avait le morceau.


Le thème de ton EP était la rupture. Est-ce que tu vas continuer d’écrire sur ce sujet pour la suite ?

Grâce à ma rupture, j’ai découvert à quel point j’avais des facilités pour exprimer mes émotions et à quel point cela pouvait m’aider. En musique, on ne peut pas trouver une note qui représente à la perfection un sentiment alors que le texte fait ce travail. Finalement, j’ai réussi à synthétiser mes émotions et je suis arrivé à décrire exactement ce que je vivais et ce que je ressentais. La musique m’a vraiment sauvé car je pense que pour un artiste, chaque chanson est une thérapie en soi. Pour cet EP, je suis resté dans le thème de la rupture car dans un souci de direction artistique il était plus intéressant d’avoir des chansons qui ne se ressemblent pas mais qui ont toutes un lien commun. Je suis une sorte d’opportuniste du malheur : je me sers de sujets pour en tirer le positif en écrivant dessus et en me remettant en question. Aujourd’hui, je pense avoir fait le tour du sujet.

Quels sont les projets pour l’avenir ?

Je me lance sur un projet que je souhaite écrire et composer seul mais toujours accompagné d’Haritza pour l’arrangement. Je dis ça, mais il a des compositions incroyables que j’ai envie d’utiliser… Mais je n’ai pas envie de me satisfaire de ses créations. J’ai déjà 4 ou 5 chansons en cours de développement qui seront beaucoup plus positives que le thème de la rupture. J’aimerais bien parler pourquoi pas du rapport au corps, du deuil, du sexe ; j’ai vraiment envie d’écrire sur des choses qui me touchent personnellement. J’ai envie d’établir un point de vue autocritique pour éviter d’être moralisateur. Pour le moment je n’ai pas de fil conducteur mais toutes les chansons seront retravaillées pour avoir une unité, une atmosphère, une ambiance commune.


L’association Evènement à part t’accompagne dans ton parcours, comment se passe la collaboration ?

Évènement à part, c’est d’abord Margaux qui fait partie de ma licence. La collaboration commence avec un groupe de reprise dont je faisais partie et pour qui Évènement à part à structurer les concerts. Quand j’ai voulu sortir mon EP, je souhaitais être professionnel et structuré, et cette association pouvait m’apporter ça. En plus ils se chargent de la communication, du démarchage, ils m’accompagnent et me soutiennent de A à Z. Je pense qu’on ne se rend pas compte de la charge de travail qu’il y a pour un artiste. La musique, clairement, c’est 20% du travail. Évènement à part se charge des 80% restants pour m’accompagner dans mes débuts. Leur objectif, c’est d’aider les jeunes artistes (dans tout type d’art) à se développer.


Qu’est-ce que tu dirais au toi de dans 10 ans ?

Quoiqu’il en soit, bravo si tu continues d’espérer vivre de la musique car persévérer c’est le plus important, et j’espère que ça paiera.


Il y a vraiment une part de folie dans mon métier ....

Carte blanche pour le mot de la fin !

Je pense à tous les gens qui me félicitent pour ce que je fais et à tous ceux qui me disent de m’accrocher et je pense que finalement il y a vraiment une part de folie dans mon métier. Je me suis toujours dit que j’y arriverai, mais maintenant que j’ai un pied dans ce monde, je me rends compte de la complexité que l’on peut avoir à se faire entendre. Quand on débute, la chose dont on est le plus sûr, c’est de notre œuvre, mais finalement, cette œuvre n’existe absolument pas aux yeux du monde. Même si tu te donnes à fond, tu peux passer inaperçu donc - d’après mon début d’expérience - la solution c’est vraiment de s’entourer de bonnes personnes professionnelles qui maîtrisent particulièrement la communication ; et tu ne dois pas avoir peur d’être opportuniste.

Dans tous les cas, il ne faut pas arrêter de croire en soi. Et bien évidemment n’hésitez pas à me suivre sur les réseaux, un follower vaut bien plus que ce que l’on imagine quand on débute car finalement en étant pragmatique, on existe que grâce à ça.



Retrouvez Ondes le dimanche 11 Décembre à 17H au Galway Pub St André et le 31 janvier à 12H sur le campus de Pessac de l’Université Bordeaux Montaigne !


 

Camille Dautriat⎮09.12.2022

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