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Peaches and Witches : musique et sororité

Les salles de concert sont vides depuis ce qui nous semble être une éternité et vivre de sa musique relève du combat quotidien. Cependant quelques lumières apparaissent au tableau.

Peaches and Witches, résidence artistique en non mixité choisie se développe en dépit d'un contexte malaisé.

@janedoe.rec

Pour mieux comprendre la naissance du projet Peaches and Witches, il convient de faire un peu de statistiques. D’après le rapport du Haut conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes paru en 2017, les femmes dans les arts et la culture sont majoritairement mises au banc des institutions.


En effet, 6 dixièmes des étudiant.e.s en art (ou filières liées au secteur culturel) sont des femmes pourtant ces dernières représentent 4 dixièmes des artistes effectivement actif.ve.s et seulement 2 dixièmes des artistes aidé.e.s par des fonds publics. Il faut ajouter à cela que les femmes ne représentent que 2 dixièmes des artistes programmé.e.s et uniquement 1 dixième des artistes qui voient leurs travaux récompensés.


Blondine Morisson, fondatrice de Peaches and Witches et du label Pazapas Records, a 16 ans quand elle pose les premières bases de sa carrière musicale, au sein d'un groupe exclusivement féminin :


« Peaches and Witches ça fait pas mal de temps que j’avais l’idée en tête. Mon expérience de musicienne, au fil des années, m’a fait entendre que c’était très compliqué d’évoluer dans ce milieu en tant que femme ou minorité de genre. Je me suis dit que l’on manquait d’espaces où l’on peut expérimenter sans se sentir infantilisées ou paternalisées... Et où l’on peut aussi soutenir un réseau. »

Quand on voit qu’en 2016 sur les plus festivals de France il y avait seulement 3% de groupes composés de 50% de femme. Sur le reste des programmations on comptait 15% de femmes mais elles sont toujours seules dans des groupes d’hommes.
© Peaches and Witches I © Krakatoa

Pour mettre en place ce projet de résidence musicale Blondine effectue d'importantes recherches :

« Il me fallait un fond théorique un peu costaud » m'explique t-elle. « Je me suis intéressée aux chiffres notamment via le rapport qui a été rendu au haut conseil de l’égalité femmes-hommes sous Marlène Schiappa. C'était catastrophique. Quand on voit qu’en 2016 sur les plus festivals de France il y avait seulement 3% de groupes composés de 50% de femme. Sur le reste des programmations on comptait 15% de femmes mais elles sont toujours seules dans des groupes d’hommes. »


La crise sanitaire démarre, les salles ferment, les rassemblements se font rares : une période qui semble peu favorable à la concrétisation de nouveaux projets. Et pourtant :


« J’ai reçu un mail du Krakatoa qui disait plus ou moins : la salle est vide ça nous fend le cœur, si vous avez des projet d’asso dans le coin de la tête et que vous voulez tester des choses n’hésitez pas à nous contacter. J’ai sauté sur l’occasion et je les ai appelés. Quatre semaines après, on était au Krakatoa pour la première session.» nous raconte Blondine.

© Peaches and Witches I © Krakatoa

Une première résidence qui se déroule sur une semaine. Court mais riche en échanges, en partage d’idées :

« J’appelle ça un laboratoire de création parce qu’en début de semaine on ne sait pas encore ce qu’on va faire. Fait-on des reprises ou des créations originales ? Et l’objectif de la première session c’était d’avoir un enregistrement au bout de la semaine. Pour la deuxième session, notre but était de donner un concert live sur Ola radio. »

« Je tiens à dire que Peaches and Witches ce n’est pas que des femmes cisgenres, on compte aussi des personnes transgenres et des personnalités non binaires

La non mixité choisie peut faire peur, sembler excluante. Ce modèle d'action a fait l’objet de nombreux débat dans l’opinion publique, devenant un sujet clivant au sein même des milieux militants :

« Je tiens à dire que Peaches and Witches ce n’est pas que des femmes cisgenres, on compte aussi des personnes transgenres et des personnalités non binaires


Mais comment apaiser la peur du communautarisme ?


« Il ne faut pas s'arrêter à la question de la non mixité. Évidemment, quand on est pas initiés à cette démarche là on pense “société non mixte”, “femme d’un côté homme de l’autre” . Mais ce n’est pas du tout ça. Tous les processus où l’on pratique la non mixité choisie s’intriquent toujours dans une temporalité particulière et ponctuelle. On est contre une réorganisation de la société entière. Ce ne sont que des espaces ponctuels où des personnes qui subissent des discriminations peuvent s’exprimer librement sans se sentir censurées ou s’auto censurer. Avoir un espace de liberté pour établir ce qui peut nous faire du mal et par la suite dépasser cela. Cela s’inscrit dans un processus de la société et on espère que dans 20 ans on aura plus besoin d’avoir recours à la non mixité choisie. De plus, la non mixité choisie s’oppose à la non mixité subie. »

On ne remet pas ça en question : c’est la “norme” en fait. Un groupe de femmes ça devient carrément un choix. Et il y a tellement peu de musiciennes qu’elles sont obligées de se chercher entre elles… et c’est vite interprété comme sexiste. »
© Peaches and Witches I © Krakatoa

Exemple de mixité subie, souvent non intentionnelle et pourtant peu critiquée : vous êtes à un concert dont la programmation et l’organisation sont majoritairement voire exclusivement masculines :

« On ne remet pas ça en question : c’est la “norme” en fait. Un groupe de femmes ça devient carrément un choix. Et il y a tellement peu de musiciennes qu’elles sont obligées de se chercher entre elles… et c’est vite interprété comme sexiste. »


Enfin, la non mixité choisie permet de sortir de l’isolement.


« Dans Peaches and Witches on a des personnes avec des parcours différents, certaines d’entre elles ont 10 ans de scène derrière elles et quand elles établissent la liste d’autres musiciennes avec qui elles ont joué il y en a en fait très très peu. Ça force la rencontre et donne naissance à des projets en dehors de la résidence. »


Si la crise sanitaire a permis, par le clame instauré dans les salles de concert, à Peaches and Witches de se concrétiser, elle n’en reste pas moins cruelle envers les artistes.

La présence digitale ne représente pas grand chose. Pour Peaches and Witches, certes on a pu tester des choses mais il y a plein d’idées qu'on ne peut pas développer, comme ouvrir des ateliers réguliers par exemple.

« C’est frustrant de ne pas pouvoir jouer en live quand t’es un artiste indépendant c’est une catastrophe. Parce que c’est sur scène que l’on se fait connaître, en faisant des concerts que l’on vend notre merch… La présence digitale ne représente pas grand chose. Pour Peaches and Witches, certes on a pu tester des choses mais il y a plein d’idées qu'on ne peut pas développer, comme ouvrir des ateliers réguliers par exemple.»

© Peaches and Witches I © Krakatoa

Les membres de ce laboratoire de création viennent d’horizons musicaux pluriels et variés, ce qui fait la richesse du projet. On espère bientôt voir le résultat de leurs recherches sur scène. En attendant le live Ola radio de Peaches and Witches est disponible sur Sound Cloud. Nous invitons aussi à découvrir Sahara , duo pop dont fait partie Blondine, et leur nouveau single Maryse.



 

Maeva Gourbeyre I 01.02.2021


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