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Interview Nikon Film Festival : «Et après ?» de Manon Montrouge

L’année dernière nous avons rencontré Manon Montrouge, une jeune et talentueuse réalisatrice qui nous parlait de son premier court-métrage, « Bien rentrée », réalisé à l’occasion de la compétition du Nikon Film Festival. Cette année, de retour en compétition, Manon nous présente « Et après ? », un court-métrage poétique et fort qui explore les réflexions de Noa (Katell Coueraud), une jeune fille de 18 ans, passionnée de danse, face à ses premiers choix d’orientation professionnelle.

Affiche : Margo Robert / Photo : Arthur du Peuty

Manon braque sa caméra sur la place du rêve et capture les doutes, les peurs, ce conflit entre rêve et raison. Grâce au remarquable travail du son par Gabriel Guilloux, s’invitent dans la tête de Noa les petites remarques de ses proches, d’apparence anodines, qui pourtant l’influencent dans ses prises de décisions et peuvent bouleverser les certitudes que son cœur lui chante. Arthur du Peuty est directeur de production sur le projet avec Concevoir Productions, une jeune société de production créée en 2021 qui tend à développer un pôle cinéma et fiction.


Nous avons eu le plaisir de discuter avec Manon qui nous a partagé ses premiers pas dans le monde du cinéma et a répondu à nos questions sur son dernier court-métrage.

Quand j’étais petite j’ai dit à mes parents que je voulais réaliser des films, sans trop savoir pourquoi en fait. J’ai toujours aimé écrire et je voulais mettre mes idées en images

Salut Manon ! Cette passion, cette ambition, où est-ce que ça a commencé ?

Qu’est-ce qui t’as donné envie de faire des films et quand ?

C’est marrant, quand j’étais petite j’ai dit à mes parents que je voulais réaliser des films, sans trop savoir pourquoi en fait. J’ai toujours aimé écrire et je voulais mettre mes idées en images. J’avais envie d’écrire pour faire des films. Pourtant j’étais pas vraiment une « enfant caméra » qui filmait tout sur son passage, ça m’arrivait occasionnellement. Puis c’est revenu plus tard, ça m’a rattrapé. Au moment des choix post-bac j’avais demandé quelques formations en lien avec le cinéma, mais sans grande motivation vraiment.

Ensuite, à Sciences Po Bordeaux, je suis rentrée dans une asso de ciné, j’ai retrouvé toute cette motivation et cette ambition. J’y ai rencontré des personnes motivées, qui avaient à la fois cette passion pour le cinéma et cette soif de créer, de bidouiller et de dire des choses. J’ai ensuite fait un stage dans une association qui s’appelle la Maison du Film où j’ai appris les bases de l'écriture scénaristique et puis ça m’a encore plus motivée à me lancer, j’ai des choses que j'ai envie de raconter.


Est-ce que tu peux nous parler un peu de tes premiers projets ?

Au début, je m'investissais surtout dans des court-métrages amateurs, avec les personnes de mon asso notamment, mais sans réel objectif. Il y avait bien le projet de fin d’année, mais ça s’arrêtait là. Ensuite, j’ai eu envie de me motiver à participer au Nikon Film Festival, pour concrétiser un peu plus encore mes projets. Avec quelques connaissances, progressivement, j’ai constitué une équipe et on a tourné «Bien rentrée», un film sur le harcèlement de rue, mon premier court-métrage pour le Nikon.

Parmi tous les passionnés de cinéma présents dans le jury, il y avait beaucoup d’émulation et une autre jury qui était plutôt dans l’image et la photographie exprimait son envie de faire un projet ensemble.

Ensuite il y a eu « Screenbath », un projet très spontané monté pendant la Mostra de Venise. J’ai eu l’opportunité de faire partie du jury de la Giornata degli Autori ou Journée des auteurs, une sélection parallèle à la Mostra de Venise qui serait l’équivalent de la quinzaine des réalisateurs à Cannes. Parmi tous les passionnés de cinéma présents dans le jury, il y avait beaucoup d’émulation et une autre jury qui était plutôt dans l’image et la photographie exprimait son envie de faire un projet ensemble. Je lui ai spontanément répondu que c’était le moment ! On avait une journée de libre, on a tous embarqué, selon nos domaines de prédilection. J’ai rapidement écrit un scénario, le lendemain on tournait, ça a vraiment soudé notre équipe.

Ça nous amène à « Et après ? » aujourd’hui, mon dernier projet qui traite des choix d’orientation des jeunes adultes après le bac.

Quelles sont les raisons qui t’ont motivée à faire le Nikon Film Festival en particulier ?

Le Nikon c’est un Festival amateur rempli de bienveillance et d’opportunités. C’est un bon tremplin pour avoir de la visibilité, et surtout ce qui est très intéressant c’est que c’est un challenge sur lequel des profils plus professionnels sont contents de participer. Gabriel, le monteur son et compositeur, me l’avouait : le Nikon c’est l’opportunité de s’amuser, de créer et de faire un truc fun !


Le format très court du Nikon, 2 minutes et 20 secondes, est un vrai challenge, comment as-tu appréhendé ce défi ?

C’est un format challengeant, mais aussi très intéressant. 2 minutes 20 c’est court, mais ça permet de faire de la qualité, ce qui reste le plus important pour moi. Je préfère un 2 minutes 20 pertinent qu’un 10 minutes trop faible, donc ça reste un format que j’aime. De manière générale, même si c’est court j’essaie de toujours y appliquer ce que j’ai appris à la Maison du Film, c’est-à-dire un scénario précis avec un personnage principal, un objectif, un problème qui se pose. Surtout ça me plaît d’essayer des choses, et le Nikon c’est une belle expérience pour jouer sur l’image, exprimer sa créativité !

Donc c’est important de tenir un sujet qui nous anime, qu’on est prêt à porter longtemps.

Sur ton film maintenant, quels étaient tes objectifs pour ce projet, comment as-tu écrit ce film sur le thème du rêve ?

Cette année j’avais envie de monter le niveau, techniquement. Je cherchais une idée qui me donnait envie d’écrire, qui m’inspirait assez pour monter un projet de A à Z, sur plusieurs mois. Pour « Et après », j’ai commencé à écrire fin octobre. Aujourd’hui il est diffusé, en février, et les votes sont ouverts jusqu'en avril. Donc c’est important de tenir un sujet qui nous anime, qu’on est prêt à porter longtemps. Et pour traiter du rêve, le thème du Nikon cette année, j’avais envie d’exploiter ce dilemme entre rêve et raison auquel sont confrontés les jeunes en Terminale quand ils formulent leurs vœux pour les études supérieures.

Le sujet que tu as abordé parlera, je crois, à beaucoup de jeunes qui pourront se reconnaître dans certains traits de Noa. Qu’est-ce qui t’as donné envie de traiter ce sujet ?

J’avais envie de poser des questions sur l’orientation professionnelle, et pourquoi cette question, « Et après ? » peut-elle être si pesante ? Pourquoi revient-elle sans cesse, comme une fatalité ? J’avais à cœur de plonger dans la tête d’une jeune femme de 18 ans, d’explorer ses doutes, ses rêves et la place que les mots de ses proches pouvaient avoir dans ses choix. C’est vrai, je pensais à cette idée curieuse que les petites remarques concernant les choix de vie de quelqu’un, à la sortie du lycée, qui paraissent anodines pour ceux et celles qui les formulent, peuvent en fait donner lieu à de grandes réflexions voire remises en question chez la personne qui les reçoit. Cogiter pendant des jours et des jours, à tout âge, après la troisième, le lycée, la licence, le premier stage ou même à la retraite, on est influencés par ces curiosités qui nous accablent : « Et après ? ».

J’avais également envie d’un réalisme profond, d’aller chercher les émotions du spectateur, d’évoquer des situations qu’il avait connu, dans une simplicité parlante, reconnaissable.

Le choix de la mise en scène était très intéressant. Tu as choisi de garder la grandeur à travers la musique et de laisser ton personnage enfermé dans un petit espace, avec des plans qui renforcent cette étroitesse. Peux-tu nous parler de ce choix ?

Toujours dans cette idée de plonger dans la tête de Noa, cette intimité m’intéressait. Aussi, si j’avais bien sûr des intentions, je voulais aussi laisser la place à mon équipe de s’exprimer. Honnêtement, je savais que Gabriel, qui a travaillé le son, ferait un travail impressionnant, et je dois dire qu’il a fait des miracles. J’avais également envie d’un réalisme profond, d’aller chercher les émotions du spectateur, d’évoquer des situations qu’il avait connu, dans une simplicité parlante, reconnaissable. Enfin, laisser de la place à la danse était essentiel. Katell, l'actrice et danseuse, était libre de proposer une création chorégraphique pour répondre à mes intentions, c’était important qu’elle s’exprime et apporte sa touche au projet. Etienne, mon chef opérateur a joué un rôle clé. Il est venu suivre les mouvements de la chorégraphie, en donnant du rythme, en proposant des plans originaux, dynamiques et variés.


Le traitement du son est génial. C’est la cohue, ça s’intensifie encore dans le mouvement, comme si le mouvement accélérait la pensée et la confusion, il y a beaucoup d’émotions transmises dans cette scène. Veux-tu bien nous partager ton processus de création ?

J’ai écrit les dialogues et les voix, j’ai donné quelques intentions, mais encore une fois je voulais que chacun des acteurs du projet participe au processus créatif. Pendant le tournage et les répétitions, je lisais les voix pendant que Katell dansait, il y avait une effervescence, beaucoup d’énergies créatrices, c’est comme ça que ça s’est fait.

Les dialogues sont très justes, on s’identifie. Veux-tu bien nous parler de ton processus d’écriture ? Quelles ont été tes sources d’observations, d’inspirations ?

Au début, j’étais pas arrêtée sur la fin, sur comment je voulais conclure. Je voulais que la pression monte et que ça devienne insoutenable. Les parents agacés par les idées rêveuses, les inquiétudes face à des choix moins conventionnels, moins sécurisants, ou encore les amis qui ne comprennent pas qu’une étudiante avec d’excellents résultats scolaires se cherche et soit tentée par les arts du corps et le spectacle vivant. Et puis cette fin, avec la voix d’une personne plus âgée, rassurante, qui nous rappelle qu’à 18 ans on a la vie devant nous, pour se tromper, pour s’essayer à nos passions, nos envies, se découvrir. J’avais envie de finir sur cette note d’espoir. Les choix que l’on fait à 18 ans paraissent parfois graves et définitifs, mais en fait rien n’est jamais figé, et c’est normal de ne pas savoir. Je crois qu’il faut s’autoriser à s’éparpiller.


Est-ce que tu as pour ambition de continuer, as-tu des idées pour des projets futurs ?

Oui ! Forcément j’ai encore plein de choses à dire et cette envie de créer est toujours là. Aussi, je tiens vraiment à le dire, c’est cette envie de travailler à nouveau avec l’équipe qu’on a créé qui nous anime. C’est pas toujours évident car on est tous occupés à côté et ça demande beaucoup de temps et de travail, mais on se débrouille et c’est un peu de chacun de nous qui s’épanouit dans les projets. En plus de ceux et celles que j’ai déjà cité, Margo mon assistante-réalisatrice, Hugo mon assistant-caméra et chef électricien, Alice ma cheffe décoratrice et Maja ma monteuse, tout le monde est si talentueux et a apporté quelque chose de fort à ce projet !

Sinon de mon côté je commence à écrire un court-métrage d’un format un peu plus «classique» si je peux dire, autour de 15 ou 20 minutes.

Un immense merci à Manon que Feather s’est fait un plaisir de revoir et qui a répondu à nos questions ! On vous invite à aller visionner « Et après ? » et si vous êtes séduits, à voter pour soutenir ce film en compétition !


Pour visionner le court-métrage de Manon Montrouge, c'est par ici !


 

Coline Tauzia | 03.02.2022


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